(Photo ? - le trictrac se jouait avant la révolution, du temps où on avait du temps, comme les jeux sur ordinateur )
Il y avait au XVIII° siècle une passion pour le trictrac chez tous ceux qui disposaient de leur temps (aristocrates, religieux et multiples oisifs …).
Le trictrac est un jeu compliqué, aux règles difficiles, qui demande une attention permanente.
Il existe tout un vocabulaire du trictrac ("D. amène sonnés, il ne bat point C., puisque ses Dames sont toutes couvertes ; il joue son coup transport de XY. En QP (p.74)… battre-à-faux, ou Jan-qui-ne-peut, se dit d’une Dame qui en bat une autre tout-d’une ...)
Les règles sont telles qu’un joueur de niveau moyen est indépendant du hasard des dés, la qualité de son jeu lui permet de gagner.
« Rien n’est si difficile au Trictrac que de savoir tenir à propos et s’en aller de même » ( p.377)
On joue à deux, trois ou quatre (au-delà on coure la poule (p.932)).
(Photo Claude Aguttes - Nicolas de Larmessin d'après Nicolas Lancret L’après diner
Ce jeu doit exercer l ‘étude et la Fortune
L’Amour dépend aussi du Hasard et des Soins
Ici quand on dispute on cherche des Témoins
Dans d’autres démêlés, un Tiers nous importune)
C’est un jeu à points (notation des points par fiches dans des trous prévus autour de la table, meuble réservé à ce jeu) on y jouait de l’argent.
On marque les points sur ses coups et aussi sur les mauvais coups de l’adversaire : Si l’adversaire joue une combinaison qui marque moins de points que le maximum qu’il aurait pu faire, alors on marque les points qu’il n’a pas marqué.
C’est donc un jeu où il faut une attention de tous les instants, pas question de faire autre chose.
Plus on joue, plus on gagne, car meilleur on est.
Une partie ne peut durer moins de 4 ou 5 heures.
Qui n’a pas fait grande bredouille (marquer 12 trous de suite contre zéro) ne sait pas la joie de gagner.
(Photo LOF - Fichet, jetons de bredouille)
Le trictrac est comparable aux jeux électroniques actuels qui sont des mangeurs de temps.
Avec la révolution le trictrac disparu : soudain chacun avait à faire, et ce jeu symbolisait la perversion des privilégiés qui ne faisaient rien.
Reproduction de l'édition originale d'Euvreste Jollivet par Eric Figuères, céramiste à Marseille
Parmi les grands joueurs, au XVIIéme Euverte Jollivet, sieur de Votilley (1601-1662), avocat au parlement de Paris est le premier à donner les règles et les bonne attitudes, dans "L'Excellent jeu du Trique-trac très doux esbat es nobles compagnies" (1634, 1635, r. 1656, à Paris) - lire en ligne -
Le livre est court et technique (chap. XVII Les cas et rencontres rares, chap. XXII Conseils pour bien jouer... en fin d'ouvrage les 80 maximes du jeu).
Ce qui rend à l'esprit l'exercice agréable
C'est que nous gênons ceux qui nous gênent aussi
Les formes de ce jeu sont toutes variables
Et l'homme comme la femme y chassent leurs soucis
Henri Borenain, joueur féroce, avait conçu une méthode pour jouer contre le CAC40 (indice boursier sur 40 valeurs) et aimait par dessus tout le billard Nicolas
Au XVIIIéme, la lumière vient du fameux abbé Bernard Laurent Soumille, né à Carpentras en 1703, ingénieur et mathématicien, prêtre à la collégiale de Villeneuve-les-Avignon - mort en 1774
Il est l’auteur du livre (cité ci-dessus) « "Le grand Trictrac ou méthode facile pour apprendre sans maître la marche, les termes, les règles, et une grande partie des finesses de ce jeu" ».
La seconde édition parue à Avignon en 1756 est la plus complète et facile à trouver.
L’abbé Soumille se prétendait imbattable, et sûr d’être le meilleur, il disait « à qui me battra, je révélerai le secret de l’église ».
Et un jour il fut battu.
Il révéla le secret de l’église.
Pour connaître le secret de l’église : aller en fin de note
(Photo LOF - le livre de l'abbé Soumille sur le tablier du trictrac)
Evidemment qu'il n'y a pas de "purgatoire" (il existe bien un monastère boudhiste en Thaïlande où de jeunes drogués vont de faire ex-purger, mais c'est une autre histoire) puisque c'est une création assez récente, que les pères des vénérables Eglises orientales -- de pays où on joue au jacquet, backgammon, tavlou, nardi -- réfutent en bloc.
Pas orthodoxes, tous ces ajouts a posteriori, ces "suffixes du dogme"...
Rédigé par : Phil' | 21/05/2006 à 03:42
Tu dis "évidemment il n'y a pas de purgatoire..." Et pourtant quelle belle invention de monothéiste que ce lieu de purge. L'invention des Champs Elysées monotheistes, d'un lieu de bonheur propre et reposant - le paradis - tenait déjà d'une remarquable créativité (on y boit pas de vin, pas de sexe, c'est fort non ?). Puis le mécanisme du tri, ou les méchants vont se faire rotir et les bons faire la sieste à l'ombre était un superbe coup marketing. Mais intenable à la longue, car qui est vraiment propre ? surtout avec toutes les culpabilités monothéistes.
Le coup de la salle d'attente, pas confortable mais avec douche chrononettoyante était joli. Il est usuel dans les idéologies de vie après la mort. Celle qui a duré le plus longtemps (l'égyptienne) avait bien aménagé la chose : tu pouvais emporter avec toi dans la tombe des statuettes qui t'aidaient à faire les travaux des champs rémissifs et obligatoires pour passer le cycle des résurections. Vendues très cher par l'église locale bien entendu. Comme les indulgences.
Je crois que Soumille a inventé ce secret de l'église. C'était un mathématicien-monothéiste : la vieille école, celle qui ne supportait pas les statisticiens. Vrai faux point c'est tout. Paradis/enfer point c'est tout.
C'est un monsieur qui tenait un magasin de jeux avenue de Suffren qui m'avait raconté cette histoire, il était lui aussi mathématicien et joueur, il épluchait les regles de calcul de l'incide CAC. Il avait peu de clients et était très drole, il nus a vendu nos jetons de trictrac et un trictrac électronique. Je n'ai jamais trouvé trace de cette anecdote nulle part.
Rédigé par : jp | 21/05/2006 à 09:15
A ce jeu là, on ira tous au Paradis (celui qui n'a rien à voir avec le paradichlorobenzène).
Qu'attend Nintendo?
Rédigé par : JCP | 21/05/2006 à 13:41
Ouf, je préfère nettement cette forme subtile des plaisirs de la civilisation à la forme, non moins subtile je le concède, évoquée dans le post précédent…
Souvenez-vous qu'il y a quelque temps je fus le seul à déplorer la dévoration des poulpes !!!
Y aurait-il, pour me consoler, un paradis pour les taureaux et les poulpes ?
Rédigé par : fincasor | 24/05/2006 à 17:18
Cher Monsieur,
Les photographies montrées sur ce site sont fort belles, et en vérité reposent l'âme autant que l'œil.
Comme de plus je vous découvre amateur de Trictrac, mon enchantement est à son comble. J'ai cependant une remarque à formuler et une question à vous poser.
La remarque c'est qu'une partie de Trictrac à écrire peut en effet durer plusieurs heures, mais qu'une partie en 12 trous n'en excède rarement deux, et qu'il peut même s'en jouer en trois quart d'heures si les dés sont heureux.
Ma question porte sur l'anecdote concernant l'abbé Soumille, dont je tiens moi aussi le traité non pas pour le meilleur mais certainement pour le plus vivant qu'on ait jamais écrit sur le sujet, et le plus pédagogique. Cette anecote, donc, d'où la tenez-vous ? Et ce secret de l'Église, est-ce vous qui le dévoilez, ou bien notre auteur ?
Avec tous mes respects,
Paul Lequesne
Rédigé par : Paul Lequesne | 05/07/2007 à 00:22
Et bien,
Nous habitions par le passé dans le 7°
Il y avait avenue de Suffren, du côté de l'Ecole militaire, sur le trottoir à côté Village Suisse
un marchand de jeux de société.
Il est parti en retraite (en Normandie, dans une grande maison) il y a de cela une dizaine d'années
C'était un homme extraordinaire, avec une chevelure de chef d'orchestre, un joueur mathématicien, un homme d'une insondable curiosité
Il avait tout le matériel pour billards Nicolas, le jeu préféré du père d'Ann qui en possédait un (4 trous) qui datait du début XX°
Nous aimions parler de probabilités
il me questionnait toujours longuement sur la façon dont était calculé le CAC 40 car il cherchait inlassablement à le battre
Bref, il considérait le tric trac comme un des meilleurs jeux.
Il jouait contre un tric trac électronique suisse, qu'il avait battu.
Il avait le traité de l'abbé Soumille,
c'est le sien que je possède, il me l'a donné avant de partir.
C'est lui qui m'a dit
"Soumille se prétendait imbattable, il avait proclamé qu'à celui qui le battrait il révèlerait le secret de l'église
et bien sur, il a été battu..."
alors on attendait ce fameux secret...
après un long silence il disait
"il n'y a pas de purgatoire"
J'étais très ennuyé en écrivant la note sur le tric trac d'avoir perdu le nom de ce monsieur
qui est sans doute toujours vivant
et dont la mémoire n'a pas pu se perdre totalement dans le quartier ...
car je suis persuadé qu'il ne la pas inventé.
en tant que polythéiste païen, je suis séduit par l'idée d'un secret longtemps caché
par cet avatar de l'administration de l'empire romain qu'est l'église de Rome
j'imagine bien ce type de secret que se donneraient les cardinaux réunis dans un antique
temple mithriaque, accompagné d'explications alambiquées sur la logique augustinienne
et la nécessité de concevoir une antichambre de purification pour mieux convertir les païens qui passent leur temps à se laver
avant d'entrer dans un lieu sacré.
Que diriez vous du jeu suivant :
D'où Soumille tenait-il le secret de l'église ?
Rédigé par : jp | 05/07/2007 à 09:41
J'ai retrouvé son nom et son livre, c'est Henri Borentain bien entendu
Rédigé par : jp | 06/03/2010 à 13:47
Bonjour,
Je viens de découvrir le jeu de trictrac, je commence par bien connaître les règles et les termes utilisés. Ce jeu me plait et j'ai envie de poursuivre plus loin mes recherches.
Pour vraiment être dans le contexte du jeu et de son époque, je vais en fabriquer un à partir d'un jeu classique de jacquet.
Je percerai les trous et fabriquerai les fichets et pavillon, au moins qu'il existe des maisons spécialisées dans le commerce de ce genre d'accessoires, ce dont je doute.
Si vous connaissez des sites où il est vendu ce genre d'accessoires de jeu, je suis preneur.
Merci par avance pour les renseignements que vous voudrez bien me donner.
Cordialement
Pascal B.
Rédigé par : BREVIERE Pascal | 11/04/2018 à 17:13
désolé Pascal, j'ai fait faire mes accessoires, joliment tournés et les pavillons et jetons sont dans un vieil ivoire !
le plus difficile est de trouver un bon cornet pour les dés, les mien n'est pas optimum.
Comme ce jeu est brillant puisqu'on jette les dés sur la table il faut une belle sonorité, une table pas trop épaisse.
C'est un jeu totalement décadent, je perds souvent...
Rédigé par : jp | 11/04/2018 à 18:37