(Photo LOF – Thomas Desangles : Portrait au pastel de Sophie Arnoult 1782 - Coll. LOF)
Dans les galeries de portraits au pastel, les comédiens tiennent une place particulière.
Systématiquement préemptés en France, ils sont rares.
Ensuite ils ont en général une histoire qui permet de ne pas les oublier.
(Photo LOF - Thomas Desangles Portrait de Sophie Arnoult 1782 - Coll. LOF - détail
LOF possède un portrait au pastel ovale (64 x 47 cm) de Madeleine Sophie Arnoult par Thomas Desangles.
Elle serait née le 13 février 1740 et avait donc 42 ans sur ce portrait (elle est morte en 1802).
La base Joconde et la RMN lui donnent pour année de naissance 1744, accréditant Henri Lyonnet.
Cette date n'est pas cohérente avec Lyonnet lui-même qui la donne morte en 1802 à 62 ans ni avec les éléments bibliographiques d’un manuscrit de Pierre-Montan Berton, (1727-1780) de 1767, où "elle a débuté à l’opéra de Paris en 1757 dans l’Iphigenie de Glück" ce qui n'aurait pas été possible pour une fille de 13 ans.
Sophie Arnoult était soprano, elle est restée une vingtaine d’années à l’opéra dont elle fut première actrice à jamais célèbre pour sa voix (« une voix d’âme… »)
En 1760 Carmontelle en fait un dessin - musée Condé Chantilly - DE CAR 420 – dans le rôle de Thisbé de la Pyrame et Thisbe de La Serre (livret) et Rebel fils & Francoeur (musique) 1759.
(Photo Musée Condé - Sophie en Thisbe, détail)
Le dessin de Carmontelle sert indiscutablement de modèle au dessinateur Louis Marie Lanté (1789- ?) gravé par Georges-Jacques Gatine (1773-1824) ci-contre.
Houdon en fait le buste en 1775 (Louvre) dans le rôle d'Iphigénie en Aulide de Gluck, dont la version en plâtre avait été reproduite par l'auteur en une trentaine d’exemplaires destinés de ses admirateurs.
La BNF conserve 12 portraits gravés de Sophie Arnoult, dont une copie d’elle, par Greuze.
(Photo LOF / BNF - Sophie Arnoult : en haut le pastel de T. Desangles, en bas son portrait par Greuze qui, comme toujours, ressemble avant tout à un Greuze )
Tous ces portraits la montre jeune.
Il est paru à Paris en 1837 « Mémoires de Mlle Sophie Arnoult, recueillis et publiés par le baron de Etienne Leon de Lamothe-Langon », (1786-1864) spécialiste des mémoires apocryphes.
Sophie Arnoult est restée longtemps célèbre pour ses frasques amoureuses et ses mots d’esprit.
Voltaire écrit dans les Mémoires de Bachaumont à propos de son infidélité à M. de Lauraguais avec un certain Bertin « 1er janvier 1762. Mlle Arnoux ne se borne pas à embellir la scène lyrique. Ses affections particulières nous offrent des exemples dignes du bon vieux temps… »
C’est elle qui disait que « le mariage est le sacrement d’adultère », « qu’une femme appelle avoir raison ne pas avoir tous les torts» et à d’un de ses amants qui l’avait surprise la trompant avec un chevalier de Malte « Monsieur est chevalier de Malte ; il accomplit son vœu en combattant les infidèles»
(Photo Université de Paris - Sophie par Houdon, platre)
Sa vie sociale était aussi intense que sa vie amoureuse.
Sa petite maison, quai de la Conférence, (quai de Billy, aujourd'hui av. de New York dans le 16°ar.) a vu passer du monde et du beau.
Dans « Un prince de la Bohème » Balzac dit qu’elle dévorait les fortunes princières et effectivement elle est connue pour avoir été la maîtresse du duc d’Orléans.
(Photo LOF, en 1782 le duc d'Orléans n'est encore que duc de Chartres, il a 35 ans, Sophie en a 42)
Le pastel de LOF est daté de 1782.
Elle n’est plus la fine danseuse de ses 20 ans à cette époque elle a quitté l’opéra pour Versailles où elle exerce tous ses talents.
Elle est représentée tenant prisonnière une colombe avec un cordon bleu qui désignent probablement le Duc d’Orléans.
D’après son vendeur il proviendrait du mobilier du Château de Bagatelle construit par le duc d’Artois – son frère – en 1777 et dont le jardin était encore en travaux à cette époque.
Ceci est possible vu le cadre du portrait.
(Photo LOF cadre ovale du portrait de Sophie Arnoult, travail estampillé d'Henri Letonné)
Le magnifique cadre du pastel de LOF est en effet estampillé Henry Létonné (Henri Letonné a été reçu maitre à Paris le 9 juin 1773) avec poinçon de jurande, signe de qualité de la provenance ou de la destination.
Thomas Desangles – l’auteur de ce pastel, manifestement bon professionnel - n’est pas référencé par Ratouis de Limay ni par N. Jeffares
(Photo LOF - le portrait de Sophie Arnoult dans son cadre d'origine)
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