(Photo presse : Marie Altman, nièce d'Aldéle Bloch Bauer, a récupéré le portrait de sa tante qui est devenu le tableau le plus cher au monde depuis son achat par R. Lauder en 2006)
Après le portrait de Dora Maar au chat par Picasso, le portrait d'Adèle Bloch née Bauer version 1907 ( épouse du riche sucrier Ferdinand Bloch et égérie d'un salon viennois au début du XX° siècle) par Gustav Klimt (allégoriste décorateur 1862-1918) est le tableau le plus cher du monde depuis son achat par Ronald Lauder (d'Estée ..) le mois dernier (le New-York Times estime la transaction privée à $ 135 millions).
L’histoire de ces œuvres et la lutte de Marie Altmann pour recouvrir le portrait de sa tante ne sont pas étrangères à leur prix.
Il s’agit bien d’un portrait.
La créativité décorative du graphisme, des matières, la profusion graphique tiennent une place dominante, en cm2 le portrait proprement dit occupe une surface accessoire mais il n'empêche, c’est un portrait. (Photo net - Adèle Bloch par Klimt)
Klimt a placé la tête sur la ligne des 2/3 à droite, le regard parcourt les matières pour se diriger sans hésitation vers le grand décolleté blanc sans matière ni relief, puis vers les yeux sombres sous une coiffure noire sans matière ni relief également.
C’est ensuite que l’œil analyse les bras et les mains aux torsions à angle droit, déformation récurrente des mains et des bras chez ce peintre qui alterne rigidité et cursivité. En 1907 un critique viennois avait dit de ce portrait était plus une tôle (Blech) qu’une Bloch .
Enfin, la symbolique des motifs d’yeux sur le corps, et différents signes à connotation lisible sur l’environnement proche transportent l’observateur vers un bouillon de culture psychanalitico/allégorique, y compris le choix de la matière principale : l’or (son père Ernest était orfèvre ciseleur).
Les portraits de Klimt représentent des femmes filiformes brunes ou/et rousses aux yeux sombres – de celui de Margaret Stonborough-Wittgenstein (1905) à celui de la baronne Elisabeth Bachhofen-Echt (1914) ou Frederike Maria Beer (1916) en passant par d'Eugenia Primavesi (1913), Frederike Maria Beer (1916) et Fritza Riedler (1906) - étrangement ressemblante à A. Bloch-Bauer.
L’expo de dessins du Musée Maillol l’an dernier avait montré chez lui un rapport névrotique obsessionnel à un corps féminin quasi momifié.
Il est légitime de se poser la question s’agit-il vraiment d’un portrait et d'un bon portrait ?
Adéle née en 1899 avait 25 ans en 1907 n’a pas d’age sur le portrait.
C'était une personnalité d’une culture vaste (trilingue anglais français allemand) notamment artistique.
Elle adhérait aux idées socialisantes, et prit très tôt la défense de Klimt que l’establishment viennois rejetait activement.
Ses portraits par Klimt sont des commandes.
Dans ses portraits Klimt ne dit rien sur Adèle, il dit davantage dans ses allégories : Adèle est le modèle de Judith I, revival de la thématique renaissant de celle qui séduit puis tue.
Il y avait connivence entre eux dans le gout théatral fantasmatique encore à la mode. (Photo montage LOF - C'est bien elle)
Dans son portrait il la Klimatise indiscutablement mais la comparaison avec les photos d’elle montre une complète ressemblance.
Ou s’arrête le portrait ? lorsque les gens ne sont plus des gens…
L’Adèle de Klimt est toujours Adèle.
Le portrait de Klimt est bien un portrait. (Photo LOF - l'expo Modigliani se tenait à côté des Forums, il y avait une irrésistible comparaison entre les traits rigides de ses portraits et la raideur de l'antiquité tardive)
Il s’est tenu à Rome une expo Amedeo Modiglianai 1884-1920 que nous sommes allés voir.
Le catalogue en Italien Skira éditeur est une galerie de portraits commentée.
Au delà du style les Modigliani sont indiscutablement des gens.
Le professionnalisme de Modigliani comme portraitiste est patent. Renato Barilli parle d’un « classicisme absolu ».
Les cubistes privilégient les aplats et une prédominance du trait qui tend vers un minimalisme. (Photo catalogue - Modigliani portrait hst de François Brahander 1919 Londres - les yeux n'ont pas de blanc mais une lumière, la carnation est uniquement un jeu de textures, et ça marche)
On pourrait donc craindre la dérive vers la caricature qui est le grossissement de quelques traits, comme Klimt pourrait tomber dans la déco-onirique.
Non.
Modigliani évolue : on a beaucoup de mal avec la période des yeux vides qui sont des aplats sans pupille.
Ce qui est troublant est la pose qui est d’un classicisme rigoureux et le graphisme réducteur mais non destructeur.
Modigliani apparaît comme un portraitiste avant tout. Werner Schmalenbach note qu’il a fait des portraits de toutes les personnes qu’il rencontrait dans sa brève existence.
Il y avait également des dessins.
Modiglianani, Klimt sont des dessinateurs : la main est d’une süreté totale. (Photo montage LOF - Modigliani Portrait de Léon Bakst 1917 Nat. Gallery Washington hst - le grand front, l'ombre sous l'oeil droit, le tracé précis de la bouche, le menton gras évoquent un autre portrait italien au pastel d'un classicisme lui aussi total)
L’attrait de nos yeux contemporains pour des portraits n’est pas pour autant démonté.
A l’opposé les authentiques portraits du Fayon ou du XVIII°, d’une qualité indiscutable, sont à des prix ridiculement bas, quasiment invisibles par nos yeux.
L'œil du public ne lit que ce que le consensus donne à lire.
Cette note donne l’occasion de publier un petit portrait italien daté noté au dos «Le 21 janvier 1743 Fis (deux points superposés) Pouget L’année 1743 - fait par Le Sir Gabiani a Florence » lui aussi réalisé avec une belle économie de moyens et une main sûre.
Gaetano Gabiani n’est pas répertorié ni par N. Jeffares ni par artprice. (Photo LOF - Pastel portrait de F. Pouget par G. Gabiani - Florence 1743 - 34 x27,5 cm coll. LOF)
(Photo LOF - A noter la jolie baguette qui encadre ce pastel, travail italien qui donne un intéressant relief)
PS : Merci à Neil Jeffares et à Nicolas Schwed (voir suite de note) d'avoir signalé que l'ortographe moderne de Gabbiani prend 2 "b".
(Gaetano Gabbiani neveu d'Anton Domenico Gabbiani 1652-1726)
Au dos du pastel il n'y en a qu'un.
Comme le dis Nicolas, l'orthographe de l'époque n'était pas stricte. (Photos LOF - mentions figurant au dos de pastel de Gabbiani)
Mail reçu de Neil Jeffares
dimanche 23 juillet 2006 13:17
"I’m delighted to see this super pastel which is assuredly by the Gaetano Gabbiani, nephew of Antonio Gabbiani; thought to have died in Florence around 1750.
He exhibited in the Florence exhibition on St Luke’s day, 1729, Ritratto di un Abate, a pastelli (Fr. Salvetti); as well as a Ritratto del Granduca."
Mail reçu de Nicolas Schwed
lundi 24 juillet 2006 08:54
"Votre artiste, ne serait-il pas Gaetano Gabbiani? neveu du grand Antonio Gabbiani (1652-1726) - le tout avec deux "B" - l'orthorgraphe au 18ème était heureusement moins stricte qu'aujourd'hui"...
Mail reçu de Neil Jeffares
"I’m delighted to see this super pastel which is assuredly by the Gaetano Gabbiani, nephew of Antonio Gabbiani; thought to have died in Florence around 1750.
He exhibited in the Florence exhibition on St Luke’s day, 1729, Ritratto di un Abate, a pastelli (Fr. Salvetti); as well as a Ritratto del Granduca.
Kind regards
Mail reçu de Nicolas Schwed
"Votre artiste, ne serait-il pas Gaetano Gabbiani? neveu du grand Antonio Gabbiani (1652-1726) - le tout avec deux "B" - l'orthorgraphe au 18ème était heureusement moins stricte qu'aujourd'hui"...
nj
Rédigé par : jp | 23 juillet 2006 à 12:40
Longue et très passionnante note, qui apporte de très utiles renseignements biographiques, techniques et historiques. Fascinant J.P. !
Rédigé par : Phil' | 30 juillet 2006 à 04:20