(Photo Vichy-Enchères Adrienne Lecouvreur en Cornélie par Charles Antoine Coypel)
21 mai 2005 à Vichy chez Laurent Guy portrait d’Adrienne Lecouvreur (1692-1730) dans le rôle de Cornélie.
Adrienne Lecouvreur fut la maîtresse de Voltaire si touché par sa mort :
Que vois-je? quel objet! Quoi! ces lèvres charmantes,
Quoi! ces yeux d'où partaient ces flammes éloquentes,
Éprouvent du trépas les livides horreurs
du maréchal Maurice de Saxe, la célébrissime aussi nommée « tappe-dur »
1 – La première question à se poser est : est-ce que ce portrait sera préempté par la Comédie Française ? Comme cela est arrivé à votre chroniqueur ... il faut savoir qu’après une enchère victorieuse, l’acheteur peut entendre qu’il y a préemption, cela se fait beaucoup pour les portraits de comédiens. La Comédie Française dont elle fut pensionnaire fait un bon travail de collectionneuse.
2 – C’est bien elle, largement reproduite d'après la gravure de Drevet tirée de ce pastel, qui fut jouée au cinéma par Sarah Bernhardt.
Le parcours du portrait est décrit dans la notice : Succession Feriot d'Argental en 1788; Coll. de Viemeux; Coll. de Castellane vers 1830; Coll. de Beaulaincourt; Coll. de Stanislas Castellane en 1927
C’est elle en Cornélie, veuve de Pompée lorsqu'elle menace - montrant l’urne cinéraire - César qui lui demande de venir à Rome pour une cérémonie funèbre en l’honneur de son mari :
« Je la porte en Afrique ; et c'est là que j'espère
Que les fils de Pompée, et Caton, et mon père,
Secondés par l'effort d'un roi plus généreux,
Ainsi que la justice auront le sort pour eux.
C'est là que tu verras sur la terre et sur l'onde
Le débris de Pharsale armer un autre monde ;
Et c'est là que j'irai, pour hâter tes malheurs,
Porter de rang en rang ces cendres et mes pleurs.
Je veux que de ma haine ils reçoivent des règles,
Qu'ils suivent au combat des urnes au lieu d'aigles ;
Et que ce triste objet porte en leur souvenir
Les soins de le venger, et ceux de te punir… »
(Photo Vichy-Enchères modifications LOF : Afin de redonner une image proche de celle de l'époque les gris sont déssaturés, les bleus légèrement forcés, les pastels vieillissent aussi...)
Adrienne Lecouvreur a triomphé dans l’expression de cette haine dans La mort de Pompée de Pierre Corneille (1644) à la Comédie Française de 1721 à 1727.
« La perte que j'ai faite est trop irréparable ;
La source de ma haine est trop inépuisable :
A l'égal de mes jours je la ferai durer ;
Je veux vivre avec elle, avec elle expirer. »
3 – C-A Coypel aurait fait ce portrait en 1726 d’après Ratouis de Limay dont vous trouverez en fin de note la notice dans laquelle il rappelle l’influence du théâtre sur l’œuvre de ce portraitiste occasionnel mais régulier.
Donc postérieurement au passage de la Rosalba à Paris (1720-22). L’influence de la Rosalba – qu’il copia – est visible dans le travail des nuances de gris et des chairs.
Mais il y a aussi chez C-A Coypel – brillant académicien à 21 ans puis Premier peintre du roi - un traitement de l’espace autour du portrait qui donne une ampleur et une respiration bien dans la ligne du grand précurseur du portrait français que fut Joseph Vivien. On le voit dans l’emploi du fond bleu qui forme une quasi auréole, une aura autour de la tête. Alors que Vivien lui avait enseigné de n'éclairer que la partie droite du fond.
L’habit est noir – elle est veuve. Le cadrage est également typique des portraits de l’époque voir son autoportrait maintenant au Getty cadré à l'identique.
Enfin la main est facile, Coypel donne toujours cette impression d’aisance et de légèreté : il avait débuté sous
« le joli temps de la Régence
Où l'on fit tout, excepté pénitence ».
L’estimation est 30/40000 euros. Mais le fera-t-il ? ... le La Tour de mars n'est pas monté haut et c'était autre chose.
(Photo © 2004 J. Paul Getty Trust - Charles-Antoine Coypel par lui-même au pastel 1734)
Nota du 23 05 2005 :
L'expert , M. René Millet, m'informe que le pastel de Coypel a bien été préempté par la Comédie Française à 30000 euros - voici donc un bon pastel pour pas cher dans la belle collection de la maison de Molière. (Notez la difficulté de constituer de nos jours une collection de portraits de comédiens).
Ratouis de Limay : Le pastel en France au XVIIIème siècle page 25 et sq
Charles‑Antoine COYPEL (1694‑1752)
Charles‑Antoine Coypel tient entre Joseph Vivien et La Tour une place importante. Si l'on omet souvent de le citer parmi les principaux pastellistes du XVIII" siècle, c'est que la trace d'un grand nombre de ses pastels est aujourd'hui perdue.
Né le 11 juillet 1694, il fut élève de son père Antoine Coypel. Sa carrière fut extrêmement brillante et ses premiers, succès furent précoces. A 21 ans, il était agréé et reçu de l'Académie royale comme peintre d'histoire et, en octobre 1720, il était nommé adjoint à professeur. Les Salons de l'Académie étant, à cette époque, interrompus, il dut attendre l'année 1725 pour exposer au Louvre; ses pastels voisinaient avec ceux de Vivien, presque septuagénaire, et qui paraissait pour la dernière fois à un Salon.
Le livret, publié par M. Georges Wildenstein, mentionne « de M. Charles Coypel, premier peintre du Roi qui, pour la première fois, expose ses ouvrages aux yeux du public » un portrait du duc d'Orléans « en pastel » (M. Gaston Brière nous a signalé un portrait au pastel du duc Louis d’Orléans (1703‑1752), par Ch.‑Ant. Coypel, dans la collection du due de Portland, à Londres, portrait signé et daté de 1740.), et, « du même Auteur, quelques autres portraits moins grands, aussi en pastel qui ne doivent pas être oubliez; tels sont ceux de l’abbé de M., de M. et Mme S., de Mme 0. »
En faisant du pastel, Charles Coypel suivait l'exemple de son père et de ‑son oncle Noël‑Nicolas. Il est infiniment probable qu'il subit également l’influence de Vivien et même celle de la Rosalba. En effet, parmi les oeuvres faisant partie de son Cabinet, vendu en 1753, après sa mort, figurait, sous le no 121 : « Une jeune et aimable Fille portant une Colombe dans son sein, copie très exacte faite par M. Charles Coypel, pour son étude particulière,, d'un Pastel de l'illustre Mlle Rosalba qui avoit été fait pour le comte de Morville et qui appartient à M. de Boullogne, intendant des Finances, (20 p. de haut sur 17 de large). »
En 1730, il peint au pastel l'Amour précepteur, cachant ses flèches et son carquois sous sa soutane d'abbé et faisant la classe à plusieurs fillettes. Ce tableau fit partie des collections du duc de La Vallière et de Français et passa, en 1886, à la vente Oger de Brearf. Seule, la gravure de Lépicié nous permet aujourd'hui d'en juger. De la même année date le célèbre portrait d'Adrienne Lecouvreur, dans le rôle de Cornélie, (pl. vi, 8), gravé par Drevet, et dont plusieurs répliques furent exécutées.
A l'année 1731 se rapportent les portraits de Guillaume Aubourg, marquis de Boury, tenant un fusil et de sa Femme, costumée en bergère, pastels qui figurèrent, en 1908, à l'Exposition de Cent Pastels.
Charles Coypel ne reparaissait pas au Salon avant l'année 1742. Il s'y rencontrait, cette fois, avec La Tour, à l'apogée de son talent. En 1743, il n'eut pas à soutenir, comme portraitiste, la comparaison avec le maître de Saint‑Quentin, les pastels composant son envoi ne représentant que des scènes de genre ou des scènes d'histoire. Il est à remarquer, en effet, que Charles Coypel a été l'un des rares artistes qui, au XVIIIeme siècle, se soient servis du pastel pour d'autres sujets que le portrait. Parmi cet envoi de 1743, le Mercure de France vantait le pastel représentant l’Amour qui abandonne Psyché, (A la vente La Béraudière (21 mai 1885), fut adjugé, pour 4.200 franas, un « beau et Important pastel » de Gharles‑Antoine Coypel: « Portrait de femme présentée on Galatée. Portée par un dauphin, cette femme s'appuie sur une naïade ».) morceau « d'une force de coloris étonnante pour le pastel », et un petit paysage, également au pastel. « Le public, ajoutait le Mercure, rend toujours justice aux ouvrages de M. Coypel qui voit couronner par de nouveaux succès la réputation qu'il s'est acquise par son talent pour le dessin et pour la finesse des expositions. »
Son pastel représentant la Folie qui pare la Décrépitude des ajustements de la Jeunesse signe et daté: 1743, (pl. vii, 9) illustre en quelque sorte l'une des nombreuses comédies qu'il écrivit, le Triomphe de la Raison, représentée à Versailles le 17 juillet 1730 devant Marie Leczinska. A la scène II de cette pièce, la Folie s'apprête à coiffer d'un petit chapeau une vieille femme assise devant sa coiffeuse ‑ et qui vient, par d'habiles maquillages, d'atténuer « des ans l'irréparable outrage ». ElIe regarde d'un oeil amusé un amour voltigeant sur la gauche et s'apprêtant à décocher ironiquement l'une de ses flèches sur cette caricature qu'Hogarth n'eût pas désavouée.
Tel est le sujet du pastel gravé en 1745 par Surugue et qui passa en vente à la galerie Georges Petit le 26 mai 1913.
« L'influence du théâtre, remarque Mlle Ingersoll Smouse, (1) se retrouve partout dans son oeuvre, jusque dans ses derniers tableaux; c'est là qu'il alla chercher des modèles d'attitude et d'expression et, comme beaucoup de ses contemporains, l'arrangement ‑je ses grandes mises en scène. »
Présentés souvent dans l'encadrement d'une fenêtre, donnant l’impression de poser comme des gens qui, au théâtre, se savent regardés, ses modèles se tiennent dans une attitude composée et dardent sur le spectateur des yeux largement écarquillés. Par plus d'un point, ses portraits s'apparentent à ceux de Nattier, Il excelle à rendre les velours, les jabots et les engageantes de dentelle, les passementeries d'or; son coloris est brillant, un peu sec et son modelé manque parfois de souplesse. Il lui arrive souvent de se servir du pastel pour les études préparatoires de ses tableaux.
En 1742, Charles Coypel envoyait au Salon deux pastels, un représentant un homme et une femme, parents de l'artiste, l'autre trois enfants, parents de l'auteur. Mlle Smouse (La revue de l’Art ancien et moderne, mars et mai 1920) suppose que le premier n'était autre que le portrait de Philippe Coypel, frère du peintre, et de sa femme, pastel daté de 1742 et qui passa, en 1898, à la vente de la collection Mallet. De 1742 également, ce curieux, mais assez médiocre pastel appartenant au musée de Toulouse, après avoir fait partie de la collection du cardinal de Bernis, et représentant Héloïse en costume religieux lisant dans sa cellule des lettres de Saint
Jérôme.
Une charmante gravure de Surugue, datant de 1746, assignerait peut‑être à l'année 1745 le portrait de Mme de ** (Mouchy), en habit de bal, assise sur une chaise, tenant un masque du bout des doigts, les cheveux nattés, entremêlés de pierreries, tombant sur a poitrine.
Nommé recteur de l'Académie en 1746, premier peintre du Roi en 1747, Charles Coypel succède, cette même année, à Cazes en qualité de directeur de l'Académie.
A la Pinacothèque de Turin se trouvent deux bons pastels, les portraits de Carle Van Loo et de sa femme, laquelle était Piémontaise, exécutés dans les dernières années de sa vie.
Dans la liste des commandes pour le Roi, M. Engerand a relevé un Mémoire de trois tableaux et quelques avances faites pour le service du Roi pendant l'année 1752 par Charles Coypel, parmi lesquels: La France recevant dans ses bras M. le Duc de Bourgogne, peint en pastel... 600 livres.
Signalons enfin que, le 6 avril 1 81, à la vente après décès du peintre Jules Caron, ont été vendus, à l'Hôtel Drouot, deux pastels de Charles Coypel : N° 48. L'Eté. Jeune fille dans un cours d'eau, le haut du corps enveloppé d'une écharpe, et N° 49 : L'Hiver. Jeune femme en manteau de fourrure, coiffée d'une cape notre, les mains dans un manchon.
Coypel mourut, au Louvre, le 14 juin 1752. (La vente des tableaux, dessins et curiosités formant son cabinet eut lieu en 1753. Nous publions d'autre part (voir Dictionnaire des Pastellistes, p. 169), la liste des pastels de lui qui figuraient ‑dans cette vente, espérant qu'elle pourra contribuer à faire retrouver l'une ou l'autre de ces oeuvres. A la vente du comte de Vence (1760), un pastel de Coypel représentant une Femme qui lit à la bougie, pastel gravé par Salvador Garmona sous le titre du Négligé galant. ne dépassait pas 24 livres 2 sois.)
Il a laissé de lui plusieurs portraits au pastel : l'un d'eux figura, en 1816, à la vente Richard de Ledan, ancien gouverneur des pages de feu S. M. la Reine, alors Madame, comtesse de Provence. A l'Exposition de Pastels Français des XVII et XVIIIème siècles, (1927), Madame de Polès avait prêté un très expressif et délicat portrait de l'Artiste par lui même, (pl. V, 6) [c’est le portrait qui est actuellement au Getty], debout, en habit de velours brun et manteau rouge, le bras gauche appuyé sur un carton à dessin sur lequel on lit: « Charles Coypel s'est peint lui‑même pour son frère, et son ami qui plus est 1734. » Adjugé 178.000 francs, en juin 1927, à la vente de Mme de Polès, ce portrait passait de nouveau en vente en mai 1941 (Vente de tableaux anciens... appartenant à divers amateurs. Paris, 21 mai 194) et atteignait le prix de 190.000 francs.
Un autre portrait de Coypel par lui‑même, en buste, coiffé d'un béret de velours rouge, vêtu d'un manteau brun bordé de fourrure et tenant un carton, à dessin, exécuté en 1739, appartient au musée d'Orléans.
Il est à souhaiter que Charles‑Antoine Coypel soit un jour représenté au musée du Louvre, parmi les pastellistes, à côté des Vivien, des Perronneau et des La Tour.
j'aime le pastel depuis très longtemps et principalement Rosalba Carriera, et aussi Véronèse que j'ai vu ailleurs sur ton blog. C'est vrai que je fais du pastel et de la peinture à l'huile, le pastel est essentiellemnt fait avec ceux de chez Sennelier sur un papier à particules de quartz qui vient de Katmandou, un papier qui je crois ne se fait plus, j'ai dû acheter un stock ici dans ma ville de ce papier abîmé par le voyage. J'initie cette technique à mes élèves bien sûr, et c'est vrai que la délicatesse des couleurs et leur facilité d'application est d'un attrait certain. Mais fais-tu des pastels toi aussi, et la maison jardin au Portugal c'est chez vous?
Rédigé par : bonaventure | 16 mai 2005 à 18:03
Bien belle Adrienne (en veuve délicieuse) et bien beau Coypel (mains de claveciniste).
Heureux Voltaire et heureux Maréchal de Saxe en leur temps.
Beau siècle, toujours et encore.
Rédigé par : JCP | 01 juin 2005 à 11:22