Un jardin habité

Drainage

(Photo LOF - arrivée d'un drain dans un puisard de racordement)
Dès lors que le jardin comporte des terrassements ; donc des murs, le drainage devient quasiment indispensable. En effet, la pression exercée par la terre sur les murs est supportable tant que la terre est sèche. Dans le sud, les grandes pluies peuvent gorger le sol d’eau, la pression exercée par le poids de l’eau sur le mur est énorme. Généralement les murs se fissurent. Les murs doivent donc toujours être percés de façon à ne pas les transformer en digues. Le drain posé le long du mur évite l’accumulation de l’eau, donc la pression sur le mur.
Le second argument en faveur du drainage est la nature du sol. Les sols argileux deviennent imperméables quand ils sont mouillés. Une couche de boue s’installe durablement qui va faire pourrir les racines des plantes. Les plantes du sud aiment les sols bien drainés.
Le remède se fait en deux temps : 1 / mélanger en abondance du fumier de cheval bien décomposé (3 ans) et de la terre arable de bonne qualité à la terre argileuse de façon à créer un humus et un sol vivant 2 / drainer.
Les drains s’installent en pente forte (2% minimum) au moins à 40 cm (2 fers de bêche) de la surface du sol au point le plus haut. Lof utilise un drain enrobé de non tissé, posé sur sable.

Hommage au jardin almohade : Alvito

  (Photo LOF - Alvito, lever du jour en novembre)
La pousada d’Alvito est construite dans un château fortifié médiéval. Je ne sais qui est l’architecte qui conçu et réalisa un jardin hommage aux jardin andalous, merci à lui.
Le jardin est à l’est du château, selon la régle - judicieuse - du sud qui veut que le soleil du soir est le plus mauvais pour les plantes. L’orientation est n’est pas critique car au sud le soleil est haut dans le ciel et la lumière zénithale assure une luminosité suffisante.
Au point haut du jardin, une noria. En l’absence de source, il faut puiser. Ensuite un système d’arrosage par gravité fait de canaux de différentes section. Aujourd’hui, sauf les potagers des vieux jardiniers, ce type d’arrosage est abandonné car coûteux en temps et en entretient – on préfère les robinets sur horloge (assurez vous d’une alimentation électrique sans coupure).
L’arrosage par gravité consiste à inonder périodiquement une partie du jardin. C’est pourquoi on y plante tout : les fruitiers, les légumes et les fleurs.
(Photo LOF - Jardin formel)
Ce mode d’organisation donne des jardins beaucoup plus changeants et vivants que ceux du nord conçus comme des décors. La partie la plus proche de la porte est traitée formellement de buis et de résineux taillés. Normalement on emploie la myrte (vert très joli, petites feuilles compactes et bon parfum). Un jardin sud portugais est toujours formel. La végétation continue, la densité des plantation et le mode d’irrigation impose des formes simples et des circulations efficaces. Le rectangle, les angles droits.
(Photo LOF - Orangeraie d'Alvito irrigation par gravité)

Le bassin-réservoir d’eau (2)

(Photo LOF - Tanque de agua supérieur à Queluz)
Le tanque de agua de Lugar d'Olhar Feliz est dans la tradition almoade mais dans le style baroque car il exprime le mieux la tradition du sud portugais. La forme est donc géométrique (un rectangle). Le très joli tanque de agua qui se trouve au sommet des orangeraies de Queluz (là où s’entraîne l’école équestre) est une source d’inspiration pour la mouluration des murs du bassin. Ces murs sont de 95 cm et le bassin est posé sur le sol, comme au jardin do Paço dos Bispos à Castelo Branco.
Tout Tanque de agua a son mur d’où coule l’eau d’alimentation. Ce mur, comme celui de toutes les sources ou fontaines est une occasion rêvée de se lancer dans les volutes, fenêtres ovales et autres allégresses formelles.
Comme à Queluz, le mur du réservoir d’eau de LOF est percé d’une fenêtre ovale – ici un ovale portugais - et ourlé d’une fort chanfrein.
Rencontrée dans deux ouvrages sur les jardins du sud portugais, un dessin de la biblioteca casanatense de Rome représentant des portugais attablés à Ormuz (XVIeme) exerce sur nous une réelle fascination : ces gens mangent dans le bassin. La table est dressée au fond d’un bassin auquel on accède par des escaliers. Le fond du bassin est rempli d’eau, les chaises, les gens ont les pieds dans l’eau.
(Codex 1989 - Biblio. Casanatense : Portugais à table, les pieds dans l'eau)
A Ormuz, les dames mangent des figues, cela se passe donc en septembre, le repas à l’air bien gai, les messieurs apprécient le vin rouge, et il ne semble pas qu’on discute de l’optique quantique, suivez les regards. Pied froid cœur chaud. Il existe toujours de tels bassins dans lesquels on descend par un escalier (Quinta da Ribafria – Sintra) mais je ne crois pas qu’on les inonde avant de passer à table.
La transcription de cette bonne idée du repas dans l’eau à
LOF est la présence de deux tables rondes fixes dans des découpes ménagées spécialement de chaque côté du tanque de aqua. Cette transcription à pied sec, économe en serviettes éponges, permettra de manger au niveau de l’eau, qui apporte toujours une certaine fraîcheur.
(Photo LOF - Fontaine à Araiolos)

Architecture (5.1) : La Pergola

(Photo LOF - JCN Forestier, projet de pergola largeur 3m, hauteur 2.85 - notez les solives creusées)
Pergola est un mot italien passé dans les langues anglaise, française et portugaise. En français le mot pour Pergola est "treille". Depuis la plus haute antiquité, tout jardin du sud et du grand sud a un passage couvert pour y marcher à l’ombre sous les roses ou les raisins, caduques qui laissent le soleil d’hiver faire son travail de séchage et d’illumination.
Il y a, au sud du Portugal de nombreuses pergolas, treilles, allées couvertes, mais je n’ai pas connaissance de textes magistraux en langue portugaise sur la façon de penser et de réaliser une pergola.
Il existe de nombreux sites anglophones de bricolage avec des plans sans grande élégance.
Le meilleur texte français (devenu indisponible en espagnol) est de Jean Claude Nicolas Forestier dans « Jardins – Carnets de plans et de dessins » paru en 1920 - Picard éditeur 1994 – en face de Saint Sulpice. Les citations sont en italiques. JCN Forestier – très grande pensée jardinière, auteur de la treille couverte de rosiers sarmenteux de la roseraie de Bagatelle – traite les questions de proportion, dimension, matériau, corrections d’optique, et choix des grimpantes des pergolas. Nous aurons à voir la finition (couleur) et la place dans le jardin (orientation, vue).
(Photo LOF - Construction de la Pergola à Lugar do Olhar Feliz)

1 – Dimension - proportion : « Situation, usage, caractère du jardin commandent les dimensions des treilles. Leur largeur est ordinairement comprise entre 2 et 3 mètres; elle ne descend guère au dessous de 2mètres; elle peut aller parfois à 3 m. 50 et 4 mètres, voire à 5 mètres, mais assez rarement. Si la hauteur est inférieure à la largeur, l’allée couverte paraît plus enveloppée de feuillage et plus fraîche. Mais ceci ne convient guère qu'avec des largeurs de 3.50 à 4 mètres, et particulièrement sur des terrasses près d'un parterre creux, ou de la mer. Si la hauteur est de beaucoup supérieure à la largeur, la treille risque de rester longtemps sans être couverte, surtout avec certaines plantes, telles que Clématites à grandes fleurs, Rosiers thés ou hybrides de thés. Une largeur de 2.80 m. une hauteur de 3.20 à 3.50 m. sont des dimensions moyennes. ».
(Photo LOF - JCN Foretier pour un jardin à Beziers)

2 Corrections : « Les traverses du plafond exactement horizontales donnent, par un effet de perspective bien connu, une impression de fléchissement; c'est le motif pour lequel on entame en courbure concave la face inférieure de ces traverses. Quand les piliers sont en bois équarris ou rondins, ils gagnent, pour la solidité et l'aspect de l'ensemble, à être gros et lourds, beaucoup plus gros même que les traverses, par exemple, de 20 à 25 centimètres de côté, alors que les traverses peuvent n'avoir que de 6 à 12 centimètres ou 5 centimètres sur 10 - ce qui est faible - ce sont là des dimensions de treilles ordinaires de Chêne ou de Pitchpin et non de lourdes et fortes treilles sur piliers de maçonnerie ». Sur le dessin en tête de cette note, Forestier réduit à 18 cm en son centre une traverse de 22 cm de hauteur soit 4 cm sur une largeur entre colonnes de 3 m. La proportion idéale est 1.2% soit 3.6 cm. Il creuse sa traverse en arc de cercle. Il ne faut pas mollir sur les piliers qui doivent toujours être massifs.
(Photo LOF - Quinta de Ortiga, Santiago de Cacem)

3 – La Couverture à claire-voie se fait voûtée ou plate ou mixte c’est à dire toiture plate avec voûtes au niveau des piliers. A LOF nous choisissons de faire des voûtes en dur aux extrémités des deux volées de la pergola. Les matériaux sont le métal, l’aluminium. le treillis sur solives, le bois , le fils de fers (galvanisé ou plastifié) tendus entre les solives. Dans tous les cas il faut faire solide car les végétaux et le vent soumettent la toiture à des charges redoutables. Il faut respecter une distance minimale de 45 cm entre chaque fil afin que l’air et la lumière circulent. Il ne s’agit pas de réaliser un tunnel.
(Photo LOF - Lugar d'Olhar Feliz détail d'une fenêtre et de son banc dans le mur de la pergola)

4 Sols, fondation des pilliers, scellements : « Le dallage du sol - ajoute souvent à la fermeté du dessin de ces ouvrages et à la commodité de la marche. A l'ombre des treilles, le terrain, même sablé, peut être humide; le dallage le rend sec et sain. Afin qu'il ne nuise pas aux plantes destinées à couvrir la treille, il n'est pas posé sur un remblai de mauvais gravats, mais autant que possible sur des couches bien assises de bonne terre végétale. Il peut ne pas couvrir toute la largeur de l'allée et n'en occuper que la partie centrale, laissant libres les bords où sont installées les plantes.
De même, le scellement des montants n'est fait bien souvent que sur les côtés intérieurs ou extérieurs, mais non pas sur les quatre faces, afin que les racines puissent se développer sans être arrêtées par le petit massif de maçonnerie du scellement qu'elles n'aiment guère. C'est à ces menues précautions que le jardin devra la saine vigueur de ses plantes et, en définitive, sa vraie beauté. »
(Photo LOF - Quinta do Carmo glycine sur armature métallique)

Architecture (5.2) : La Pergola (suite)

(Photo LOF - Jardin Majorelle, la pergola au toit rouge)
5 - Couleur. Quiconque a visité le jardin de Jacques Majorelle a été saisi par la pergola aux piliers bleus, au poutres noire dont l’épaisseur est laquée rouge, ce qui donne une impression de fini impeccable, semblable à une jolie vaisselle japonaise. La pergola du bas est peintre dans un bleu vert tué à l’ocre qui s’accorde bien avec le vert tendre de la vigne. Peindre le bois de la pergola est une obligation, les bois nus, les bondex « chêne clair » n’ont pas d’affinité avec les verts des grimpantes. On doit se souvenir que les bleus profonds sont amis de roses roses, les glauques des verts foncés des subtropicales, le blanc est ami des bougainvilliers mauves et violets, le vert anglais des glycines lavandes et des fleurs blanches. Qui dit peindre dit repeindre. Il faut donc toujours penser aux tailles de nettoyage.

(Photo LOF - Jardin Majorelle, la petite pergola)
Voici ce que dit JCN Forestier des pilliers et des couleurs "La colonne, le pilier destiné à être vêtu de plantes grimpantes, peut être fait de l'assemblage de quelques montants de fer ou d'un seul pilier de bois à section ronde, carrée ou polygonale, surmonté d'une boule, de quelque figure d'animal largement traitée. Plusieurs bois, plusieurs montants de fer, donnent à la fois plus d'épaisseur et plus de solidité à une colonne de plantes grimpantes. Selon le décor ou le mobilier du jardin, ils sont peints de couleur neutre ou vive, verte, bleue, blanche, jaune, orangée, noire, brune. Le bleu d'outremer foncé est souvent assez heureux, car il s'associe agréablement tant avec le vert des feuillages qu'avec la couleur des Roses. La hauteur varie de 2.50 à 5 mètres."
(Photo Antonio Homem Cordoso - Paço de Vila Viçosa, latada do Jardim do Reguengo, pergola traditionelle : roses et vigne)

6 - Orientation. La pergola est un passage ou un abri. Elle peut n’être ouverte à la vue que d’un seul côté mais doit toujours permettre la vue sur les perspectives environnantes. A LOF nous avons une pergola fermée par un mur du côté du vent dominant. Ce mur est percé de fenêtres afin de ménager des vues. La plus belle pergola
dont il me reste un souvenir ému était perchée le long d’un ancien couvent transformé en hôtel sur la côte amalfitaine, d’un côté elle était aveugle, de l’autre elle surplombait la mer qu’on voyait à travers la demie lumière des roses du toit.

7 - La couverture végétale : Longue citation de Forestier (pour le plaisir) « Les treilles des pays du midi sont le plus souvent faites de Vignes qui, à leur ombrage léger, ajoutent l'agrément de leurs fruits violets ou dorés. Parfois, aux Vignes sont entremêlés des Rosiers. Dans les régions plus froides, aux Vignes délicates, la souveraine beauté de leurs fleurs a fait préférer les Rosiers. Les uns, aux rameaux vigoureux et souples, se couvrent d'un manteau éblouissant de fleurs, mais seulement pendant quelques semaines : les Dorothy Perkins, Lady Gay, François Juranville, et toutes les variétés issues des R. Wichuraiana. Il en est de même de maintes variétés de Rosiers multiflores, qui sont plus précoces, …Dans les régions qu'épargnent les froids rigoureux, les Rosiers Banks sont d'une grande ressource, mais ils ne fleurissent qu'au printemps. Un arceau de Glycine et de Rosier Banks jaune de Fortune assemble délicieusement le mauve fin des fleurs de Glycine au jaune clair des R. Banks. Les Vignes vierges, et surtout la Vigne vierge du Japon - Ampelopsis Weitchii - produisent vite des couverts épais, mais n'offrent qu'un feuillage abondant. Les Clématites à grandes fleurs, C. Jackmani, C. patens, C. lanuginosa, ont donné des variétés à fleurs mauves, blanches, bleues, larges et magnifiques. Les C. Viticella, beaucoup plus vigoureuses, produisent d'innombrables fleurs d'un violet pourpré ou blanches…En hiver, au soleil, fleuriront, quoique avec des rameaux dépouillés, de feuilles, le Jasmin nudiflore et le Jasmin «primulinus». Les Tecoma fleurissent longtemps en été. Les Chèvrefeuilles ont un parfum
délicieux; ...Les Coboea, Eccremocarpus Scaber, Capucines sont annuels; les Coloquintes aussi, mais elles sont divertissantes par la bizarrerie si variée de leurs courges qui pendent au plafond de la treille.»
Voici le choix de grimpantes en pots ou jardinières de Heidi Gildemeister : antigonon leptopus, bougainvilliea (accepte les racines à l’étroit), campsis radicans, convolvulus mauritanicus, hereda helix, jasminum, lampranthus, lantana montevidensis, … tecomaria capensis, thunbergia, tropaeeolum majus...
(Photo LOF - JCN Forestier - Treille pour le jardin del Rey Moro à Ronda - largeur 3m.)

Souvenir d’un jardin du sud : Quinta da Ortiga (1)

(Photo LOF - Quinta da Ortiga, oranges vertes)
La Quinta da Ortiga est la pousada de Santiago de Cacem. Cette ancienne grande quinta fut expropriée lors du projet prométhéen de complexe pétrolier qui suivi la découverte du pétrole d'Angola, en 1968, qui comprend les installations de Sines (la puante, irrémédiablement défigurée), la ville nouvelle de Saint André etc.
Quinta da Ortiga est une parfaite illustration d’un jardin traditionnel post almoade du sud et de ce qui advient aux jardins quand la connaissance de l’art des jardins meurt. En effet – à la différence du jardin exemplaire d’Alvito – le jardin de la Quinta de Ortiga est à l’abandon.
Une promenade dans le domaine Quinta da Ortiga permet de faire un inventaire du vocabulaire traditionnel des jardins ibéro-mauresques (je souligne les éléments obligatoires dans tous jardins de ce type).
Les jardins sont construits le long d’un cours d’eau qui était jadis barré et formait un petit lac auprès de la Quinta, grande maison peinte en vieux rose du temps de sa splendeur. Le domaine a trois tanque de agua, dont le principal – avatar usuel – a été transformée en piscine. On voit toujours le mur de tanque avec sa goulotte d’alimentation ses caracóis (volutes).

A l’arrière de la Quinta une orangeraie (30 m sur 50 environ) arrosée par gravité (système traditionnel de canaux). La concentration des orangers donne une belle verdure sombre. L’orangeraie est coupée en deux longues terrasses que longe deux pergolas classiques (plus larges que haute pour la fraîcheur, gros poteaux de maçonnerie, solives au niveau des poteaux et fil de fer entre les solives). Les pergolas conduisent à un tanque d’eau à travers un univers rempli de parfums. Comme il se doit la pergola est couverte de très jolis rosiers (petites roses roses non remontante au parfum délicat) et de vignes.
Devant la Quinta un jardin formel et une chapelle avec azulejos. On note la présence de bancs maçonnés qui permettent la conversation – bancs en pairs, ou deux places - de superbes arbres exotiques (les portugais du sud ont toujours la fascination du lointain) de préférence parfumés (magnolia grandiflora) et persistants.
(Photo LOF - Quinta da Ortiga, un banc)

Souvenir d’un jardin du sud : Quinta da Ortiga (2)

(Photo LOF - Quinta da Ortiga, jardin formel)
Au nord de la maison, des arcades ouvertes donnaient sur le lac de façon à profiter de la fraîcheur l’été. Autour de la Quinta les maisons du personnel, et en haut les équipements équestres – en face de l’ancienne cave. Le bas Alentejo a longtemps produit de vins rouges, plus fins et plus léger que ceux de l’actuel Alentejo vinicole (mais la réglementation actuelle interdit de régénérer ces vignes). On arrive à la Quinta par une allée plantée d’eucalyptus dont on peut voir l’effet destructeur sur la route.
Un jour peut être quelqu’un décidera de sauver ce qui fut un jardin et un domaine typique du sud dont il reste peu d’exemples.
C’est heureusement le cas de l’Herdade de Fontes Brancas voisine en cours de restauration. Le jardin est terrassé de gros murs blancs et bleus impressionnants de puissance. La vue donne sur une source, elle aussi encadrée de murs baroques, d’une remarquable puissance.
(Photo LOF - l'Herdade des Sources Blanches à Santiago de Cacem)
On retrouve dans cet endroit magique ou sourd une énergie tellurique profondément païenne le même trouble qu’en ces autres sanctuaires immémoriaux des sources que sont l’enceinte du sanctuaire de Déméter-Malaphoros à Sélinonte, le Letoon de Xantos ou encore Saint-Vorles et les sources de la Douix à Châtillon sur Seine.
Les éléments de vocabulaire du jardin ibéro-mauresque moderne sont tous repris à Lugar de Olhar Feliz à l’exception de la chapelle remplacée par un mur clocher.
(photo LOF - Quinta da Ortiga : La Chapelle)

Le bassin-réservoir d’eau (1)

(photo LOF - Pousada d’Alvito : un jardin traditionnel avec un système d’irrigation par gravité)
Quatre mois minimum sans pluie, l’hydraulique tient une place vitale dans le jardin méditerranéen. Depuis l’antiquité on stocke l’eau. La façon la plus simple est le barrage réservoir, on en voit à la campagne pour abreuver les bêtes. Le besoin d’eau d’un jardin va nettement au delà de ce que peut stocker un réservoir courant. Comme l’indique Pierre Cuche (Le jardin méditerranéen) une citerne de 40m3 ne couvre pas la consommation du seul mois de juin dans un petit jardin.
Les agrumes demandent entre 60 et 100 litres/jour – 1 m3 tous les 10 arbres. Un potager familial demande en été environ 5 litres/jour au m2 avec un goutte à goutte soit 1 m3 tous les 200 m2. Le potager minimal est 200 m2 par personne. Dès lors que l’on passe une centaine de m2 de jardin, il devient coûteux d’utiliser l’eau des réseaux publics qui est en plus chlorée. A Lugar d’Olhar Feliz nous estimons notre consommation à 40 m3 jour en été, soit 4000 m3 pendant l’été : un petit lac. Et encore, afin de limiter la consommation il n’y a pas de gazon. Les surfaces de pelouse sont sous le climat méditerranéen d’énormes consommatrices d’eau, d’engrais et de temps (tondre souvent mais pas trop ras) difficiles à maintenir présentables.
(photo LOF : Tanque de agua d’une ferme du XIXème siècle au sud de Beja)
La solution est connue depuis longtemps : le lago-tanque de rega, bassin-réservoir destiné à l’arrosage. Tanque de agua.
Le tanque de agua est alimenté par des eaux de pompage, de source ou de captation. La fonction première du bassin est de stocker, mais il faut aussi réchauffer (à 12°, l’eau de profondeur ne convient pas aux plantes, il faut être le plus proche possible de 20°) et enfin oxygèner les eaux souterraines. Les Almohades choisissent l’emplacement de leurs villes au pied de chaîne de montagne (Grenade, Marrakech) de façon à assurer l’alimentation des bassins en eau par des aqueducs. Ils construisent des bassins immenses. Le tanque est alimenté en permanence. Cette pratique existe également au nord, à Villandry par exemple. A LOF nous installons 500 w. de panneaux solaires pour alimenter le tanque.

Le bassin doit toujours se situer sur un point haut. Les méditerranéens traditionnels construisent la maison autour du bassin d’eau. Au centre de la maison méditerranéo-arabe un impluvium ou un réservoir. L'eau a une fonction décorative et rafraîchissante : 1/ miroir (bassins à fond sombre), 2/ jeu de lumières et de bruit des jets d’eau (jardin de la sultane) ou 3/ jeu de profondeur d’un décor de mosaïques avec la surface de l’eau en dessous de celle du sol – voir « Les jardins de René Peuchère » (AAM page 187) le travail autour du bassin copie de la maison du faune de Pompei. L’horizontalité de l’eau est reposante. Les tanques de agua sont entourés de promenoirs. Afin de profiter de la fraîcheur on installe au centre ou sur les bords des bassins de pavillons (casa de fresca au Portugal du sud).

Photo intéressante de la cour des myrtes copiée sur le site sakura_kobe La cour des myrtes à Grenade (Patio de los Arrayanes - Alhambra) on voit comment l’eau devient miroir : bassin à fond noir (bordé de myrtes car le parfum est avec l’eau la passion du sud). Le tanque de agua est la pelouse du sud. (pour lire les notes de René Peuchère sur la cour des myrthes, clic sur la photo - extrait de "Les jardins de René Peuchère")

Un contre sens serait de la transformer en mare à lotus ou à nénuphars : il doit être propre (l’eau d’arrosage doit être propre pour l’hygiène, pour ne pas boucher les gouttes à gouttes et pour éviter les moustiques).
(Photo - "Jardins du Maroc, d'Espagne et du Portugal" - Acte Sud - Malaga l'Alcazabar)
A Grenade, en observant le cour des myrthes, je comprends que l’architecte a posé son miroir d’eau non seulement pour que le ciel se voit de la maison mais aussi pour que le soleil bas d’hiver envoie par réflexion des reflets dans la maison. Afin que ces reflets soit animés, il dote le bassin d’une alimentation d’eau (goulotte plate) qui entretient une ondulation silencieuse de la surface . Nous reproduisons cette remarquable invention à LOF de sorte que le soleil de décembre envoie ces jeux de lumières à partir de 16 heures. Pas facile car nous avons décidé que le bassin doit être invisible depuis la maison, il faut donc que les reflets passent à plus de 2 mètres de haut. La plus grande erreur serait de ne voir qu’une partie du bassin depuis la maison. La première vérité des Duchenes « on ne coupe jamais un motif » s’applique au tanque : tout voir ou ne rien voir. Jamais à moitié, règle de jardinier.

(Photo Homem Cardoso : lago promenor du jardin de l'archevêque d'Evora - Valverde, quinta do Paço ed Mitra)
Le sud portugais possède d’incroyables tanques d'eau. Le volume d’eau n’est pas comparable à l’Agedal, il va de 300 à 900 m3. Le plus baroque de tous est le lago rond du jardin de Paço de Mitre à Valverde – Evora (750 m3). Il est au centre d’une orangeraie qu’il domine. En parcourant le promenoir circulaire - un étrange jeu des fenêtres ovales et du tanque rond amuse les yeux, des bancs permettent de s'assoir à l'ombre.
(Photo LOF – Tanque de agua de campagne avec son mur fontaine à l’est de Borba)
Avec les pompes électriques, les tanques d'eau disparaissent des jardins. A Quinta de Carmo, le superbe tanque est transformé en piscine, la casa de fresca en pool house. On perd alors deux sources : une source de bonne eau d’arrosage et une source de plaisir en échange de lourdes factures d’eau.

Quand les murs deviennent décors (2)

(Photo LOF - Lisbonne Musée des Azulejos : utilisation à la manière d'un tapis mural, avant le XVIeme)
Mises à part Nicosie (Lefkosia à Chypre) et La Valette (Valletta à Malte) qui sont sur les 35° et 36° parallèle, Lisbonne et Athènes sont les deux capitales les plus méridionales d’Europe (38.43° et 38°). Le sud du Portugal, isolé, est resté tardivement influencé par l’occupation musulmane – mudéjar - . La localisation de la capitale en zone de climat méditerranéen (à la différence de l’Espagne) est pour beaucoup dans l’intégration des azulejos dans les architectures civile, officielle et religieuse portugaises .

(photo LOF : azulejos géométriques de style mejedar, cloisonnés "à la corde séche")

Les méditerranéens expriment leur sens décoratif dans leurs habitations par les fresques, les mosaïques (de pierre ou d’argile pour le grand sud) et les textiles (tapis et tissus) depuis les temps les plus reculés (voyez les fresques merveilleuses de Santorin). Les musulmans ont restreint le langage décoratif à trois thèmes exacerbés (géométrique, végétal et calligraphie). L’habitude de couvrir les murs de terres cuites est restée au Portugal sous une forme très proche des mudéjars jusqu’à la fin du 16éme siècle (azulejos traité comme des tapis muraux ou comme des moucharabiehs provenant souvent de Seville).

(photo LOF Renaissance : vocabulaire italien)

A partir du 17éme les azulejos ressemblent à des majoliques qui n’ont plus rien du style mudejar, puis au XVIIIéme les monochromes au bleu de cobalt (qu’on voit dans toutes les églises) à des grisailles. En même temps que le dessin, la technique change et s’éloigne de la mosaïque (cloisonnement, petites pièces) vers le pictural pur sur des carrés de 14x14.

(photo LOF Estremoz - escalier en face du musée : scènes de voyage, de chasse - monochrome XVIIIeme)

Le Portugal méridional se singularise, comme le note Florival Baiõa Monteiro dans son excellent livre sur « les azulejos du couvent de Notre Dame de la Concession de Beja » - Beja 2001 car à la différence des autres pays d’Europe, les Portugais ne limitent pas ces carrelages aux cuisines et salles de bain. Ils sont dans les pièces de travail, de réception et dans les jardins. Le roi D. Joao V sort les azulejos du rang d’art mineur en créant au XVIIIeme une manufacture à deux qualités de production : le tout venant et le luxe. Le XIXéme en couvre les gares, les bâtiments publics avec une totale maîtrise de la technique (estampilles, pochoirs)
Les gens du nord jugent d’un goût douteux la transformation des façades et murs de jardins en panneaux de toilette souvent agressivement géométriques. Ici l’autorité locale – minimaliste - interdit les azulejos de façade sans nuance de provenance ou de facture. Il faut reconnaître que les fabrications industrielles employées en grande surface réussissent des panneaux vraiment repoussants.

(Photo LOF - A Beja on sauve ces maisons, à Santiago on refuse les balcons de fonte)

Les alentejans savent que les beaux azulejos sont chers et rares. Les bons artisans ont disparu, y compris à Lisbonne où nous n’en avons pas vu. Pour LOF nous avons dessiné nos motifs, et vérifié que Clémentine qui peint les azulejos a bien compris comment conduire sa main. Les acanthes par exemples sont une étape obligée de l’azulejo bleu. Essayez, vous verrez comme c’est facile à rater.
Pour la maison, la thématique est vaste, scènes de campagne et de chasse, fleurons, fleurs, etc. Il est aujourd’hui impossible de produire ou de reproduire des grands tableaux comme les batailles d’Alexandre le Grand de la Quinta do Carmo qui demandent une vraie formation au dessin mural. Mais en restreignant la demande on arrive à des belles choses.

(Photo LOF Santiago de Cacem - la gare)

Notre question actuelle est "quels azulejos pour le jardin ? "
(Photo LOF - Estoï)

Quand les murs deviennent décors

Photo LOF : Vila Viçosa - Fenêtre du mur du promenoir du jardim do Bosque.

Le jardin ibéro-mauresque est structuré par des murs qui servent à maintenir les terrasses, à protéger du vent, à créer de l’ombre. Ces murs sont souvent blancs ( la protection des enduits se fait traditionnellement par un badigeon de chaux – peinture blanche aujourd’hui). Faire de ces murs un élément actif du décors du jardin est une constante chez les jardiniers du sud. Il y a trois méthodes pour intégrer un mur dans le décors du jardin :
(Photo LOF – Alentejo, mur ajouré d'une orangeraie - simple openwork wall of an orange grove)

1 - Limiter l’effet artificiel du mur en utilisant des matériaux tirés du sol proche (torchis et enduit de terre argileuse locale, murs de pierre locale apparente)
(Photos LOF : Le bougainvillier est un allié fidèle de l’habilleur de murs : à Marrakech bougainvilliers superbement taillés contre un mur)

2 – Attirer l’attention ailleurs que la surface du mur en y faisant des ajours, des portes, des fenêtres, des pinacles en travaillant les formes (Villa Valmarana ai Nani)

3 - Habiller le mur avec des végétaux, à la fresque, ou aux azulejos. La fresque est une technique ancienne, l’antiquité la pratiquait (le jardin de Livie), les musulmans qui ne pouvaient pas reproduire d’images ont réalisé des décors végétaux et géométriques en faïence, les Portugais excellent dans le traitement quasi végétal des azulejos. Queluz est un modèle du genre, à Estoï - XVIIIeme - les classiques bleus et blancs donnent un effet de plante grimpante (photo LOF : Estoï)
les polychromes de Queluz sont proches du végétal. L’avantage des solutions peintes est la permanence et l’absence d’entretien.
Bien entendu les solutions se combinent – nous avons recours aux trois procédés dans les jardins de Lugar do Olhar Feliz ou nous reprenons l’idée des fenêtres dans le mur de la pergola, le traitement végétal et les azulejos.

(Photos LOF : Mur du jardin de Quinta do Carmo : porte, fenêtres, grimpantes, et ... pelouse anachronique)

When the walls become decorations
The Ibero-Moorish garden is structured by walls which are used to maintain the terraces, for protection from the wind, and to create shade. These walls are often white (the protection of the coatings is done traditionally by a lime paint – just white paint today). To make the walls a decorative element in the garden is a ongoing concern for gardeners in the south.
There are three methods with which to integrate a wall
1 - Limit the artificial aspect of the wall by using materials drawn from the nearby ground (local clay or, local stone walls)
(photo LOF : Quinta de Carmo : garden wall with windows, door...)

2 - To draw the attention elsewhere than the surface of the wall by creating openings - doors, windows, finials - by working on the shapes (Valmarana Villa have Nani)

3 - To cover the wall with plants, with frescos, or azulejos. (Photo LOF : Courela do Marco - white bougainvillea on a white wall)
The fresco is a technique, practised since antiquity (the garden of Livie), the Moslems who could not reproduce images used vegetal and geometrical earthenware designs, the Portuguese excel in the quasi vegetal treatment of certain azulejos. Queluz is a model of the kind, in Estoï - XVIIIeme - the traditional blue ones and white give a quite flat effect but the polychrome ones successfully imitate nature.. The advantage of the painted solutions is the permanence and the absence of maintenance. Of course you can combine the different solutions – we’re using all three in the gardens of Lugar de Olhar Feliz where we have windows in the wall of the pergola, plants and azulejos.

(Photos Terra antiqua Le jardin de Livie 1er s. avant jc/ Garden of Livia first c. bc – Rome )