Un jardinage irrigué, fait par des arabes devenus syriens successeurs des occupants byzantins, gens qui aimaient la connaissance, le luxe, la gourmandise et respectaient la terre, les plantes... - la grande noria de Cordoue
Le titre est "Essor de l'agriculture en Al-Andalus (Ibérie arabe) Xe-XIVe siècle - Performances des agronomes arabo-andalous" - par Louis Albertini chez L'Harmattan (2013)
Il s'agit de 3 livres en 1, écrit(s) par 3 hommes en 1 : 1 agronome, 1 pédagogue et 1 historien.
1 - Le livre est d'abord une vaste synthèse des acquis de la recherche des 30 derrières années, énorme travail de traduction de l'arabe vers l'espagnol, et aussi le français (travaux de Vincent Lagardère).
Ce travail est presque achevé il manque naturellement l'Agriculture nabatéenne, le grand oublié (j'ai tant regretté que Jaakko Hämeen Anttila renonce).
Le bonheur est que cette synthèse est faite par un historien, mais surtout par un agronome.
toujours pénible de voir le mot Espagne utilisé pour désigner la péninsule ibérique, Espagne est un des deux états de la péninsule
Le plus gros du travail concerne le climat "thermo-méditérranéen", le 38éme parallèle est bel et bien une frontière climatique
2 - Le second livre est une description d'une économie et de techniques agronomiques à haut rendement et à haut niveau de connaissance.
Une "agriculture-jardinée" très diversifiée, attentive, irriguée (ce qui la distingue de "l'agriculture sèche" des romains et des grecs, fertilisée avec savoir (elle travaille tous les sols améliorant et spécialisant les moins bons), avec 2 à 3 récoltes par an, des techniques avancées de greffe, d'élevage et de recyclage des déchets, bref une description cohérente.
J'ai retrouvé mon jardin avec le cycle des saisons et ses tropicales d'été et de mi-saison, ces méridionales et moyen orientales d'hiver.
Cette description montre une approche expérimentale (du moins la priorité à l'observation) et une synthèse de la plus vieille agriculture de ce climat (la Mésopotamie), du proche orient byzantin et de l'antiquité gréco-romaine.
3- Le troisième livre est une thèse, qui se construit sur des comparaisons entre l'apogée ibérico-andalouse et notre agriculture actuelle.
Elle amène l'auteur à une conclusion enthousiaste : si on veut un modèle d'agriculture durable, responsable vis à vis du sol et de l'environnement : il est là dans ces fermes-jardins du moyen age, au sud de la péninsule.
Bien entendu il y aurait matière à pondérer, l'auteur est manifestement sous le charme de son sujet, il y a un biais laudatif à la El Faïz qui agace.
Car il faut ajouter aux connaissances et à l'organisation la chance d'Al-Andalus d'avoir possédé une poignée d'hommes remarquables, ambitieux et lucides.
Il y aurait matière à développer les suite hors de la péninsule, la transition tuniso-sicilienne...
Mais dans l'ensemble le sujet et la façon de l'aborder sont passionnants.
Et la thèse de Louis Anbertini est soutenable : la petite et moyenne exploitation diversifiée fondée sur une éducation poussée de l'agriculeur-jardinier et une gestion collective et participative de l'eau est un modèle de durabilité, d'amélioration des sols et des plantes avec des rendements égaux aux nôtres.
il est vrai que le passé arabe a été volontairement occulté et nié dans la péninsule conquise par les chrétiens du nord, il est vrai que cette conquête a été une terrible acculturation, et que Christophe Colomb ou Vasco de Gama sont les enfants des géomètres et des géographes arabo-andalous
L'ouverture sur le monde dans le choix des plantes domestiquées fait des jardins-fermes productifs à vocation et locale et exportatrice (je ne comprends pas le fanatisme actuel pour les soi-disant plantes locales traditionnelles)
On imagine ce que seraient nos bonheurs horticoles avec le niveau actuel de connaissance.
J'espère que ce livre sera traduit en espagnol et en portugais, car c'est ici qu'il a le plus besoin d'être lu.
Ce n´st pas un vrai fanatisme actuel pour les soi-disant plantes locales traditionnelles, car elles seront genetiquement fortes contre des malades qui peuvent survenir!
En tout cas, les livres cités sont presque magique et nous invitent à rêver d'élégants jardins. Merci!!
João Soares, auteur blog BioTerra
Rédigé par : Joao Soares | 16/01/2014 à 10:39
Ola Joao : le caractère local (qui ne veut presque rien dire pour des plantes domestiquées) ne garanti pas une résistance aux maladies, c'est la diversité qui aide à la résistance.
Notre chance était d'avoir des plantes du monde entier, d'en avoir adapté beaucoup à nos climats et à nos usages : nous sommes en train de réduire ce patrimoine dramatiquement
Rédigé par : jp | 16/01/2014 à 10:54
Pour ne citer qu'un exemple au Japon, les locaux ressentent le besoin d'une affirmation identitaire qui est la manière de faire face au malaise d'infériorité du au traitement médiatique de la capitale qui voit en eux de "braves gens de la campagne si sympathiques". Mais se distinguer sur le produit quand la province voisine a pratiquement les mêmes pose problème. Et quand on apprend que les buntans sont venus d'Indonésie, tout le monde est interloqué .... et silencieux sur la question pourtant passionnante.
Rédigé par : Lionel Dersot | 25/01/2014 à 20:42
La plaine située près d'Alméria est un exemple tellement concret de ce que je lis ci-dessus :
Depuis une trentaine d'années, le Campo de Nijar est tapissé de serres en Cellophane sous lesquelles triment des ouvrières marocaines, esclaves du vingtième siècle pour produire une seule variété de tomates cerises et fraises joufflues, sans goût qui inondent les étals de nos Carrefour Market dès le mois de février.
Tout cela fonctionne grâce à des forages profonds qui puisent dans des nappes d'eau fossiles jusqu'à ..... ?
Tout près de là sur les contreforts, dans les collines, on retrouve des vestiges de jardins terrasses, de moulins, de canaux ... derniers témoins de cette agriculture jardin arabo-andalouse . Les ruisseaux sont toujours là mais les techniques sont oubliées, les terres abandonnées, quel dommage, il y avait là de quoi nourrir des villages entiers avec des produits locaux, de qualité sans pesticides
Nijar : en dessous du 38°Nord !
Rédigé par : Jeff | 23/09/2014 à 21:46
tout le sud de l'Espagne a conservé le gout et le savoir faire horticole apporté par les moyen-orientaux au moyen age, bien entendu la question de l'eau est aujourd'hui pathétique.
Pour autant il ne faut pas mettre tous les producteurs sous serre dans le même sac, pour autant l'accusation doit être plus vaste car cette région répond au demandes de la grande distribution européenne qui elle même répond à la demande des consommateurs.
L'Espagne est devenue le premier producteur bio d'Europe
Rédigé par : jp | 03/10/2014 à 08:37