Yves Saint Laurent, le bleu et la lumière

(Photo LOF - bleu, meilleur ami du vert avec leur vieux complice le blanc)

Yves Saint Laurent, chose rare, voyait les couleurs.
Plus rare encore il voyait la lumière dans la couleur.
Souvenir de longs moments à regarder son bleu marine.
Le plus beau jamais vu.
Il était né à Oran, ville almoravide, c’est à 31 ans qu’il découvre Marrakech où, selon Pierre Bergé, il met en rapport la vision marocaine de la couleur avec son propre chromatisme.
Une fascinante tradition de la couleur dans la lumière traverse le temps dans les jardins d’ici, de l’antiquité à aujourd’hui à travers le réduit d'Al-Andalus.
Que Saint-Laurent ait acheté, en 1980, pour le préserver puis le restituer, en 2000, le jardin de la villa Oasis fait par Jacques Majorelle, n’a rien d’étonnant.

(Photo LOF - un des bleus Majorelle)

Les bleus Majorelle - car il y a toujours chez lui la fascination du bichromatisme des bleus - s’inscrivent exactement dans la longue lignée des azulejos et céramiques qui nous viennent de la Perse.
Le bleu est la cause désespérée du jardinier, peu de plantes ont des fleurs bleues, surtout pas les roses.
Les bleus sont difficiles à assortir, on est toujours tenté de les verdir.

(Photo LOF - Le jeu des bleus: accentuer le trajet du regard dans un cheminement d'ombre et de lumière)

Les bleus de ciel d’hiver de la cascade Taveira m’ont longtemps choqué.
Bien sûr : ils sont le plus souvent en plein soleil.

(Photo LOF - cascade Taveira jardin du palais de Pombal)

Grâce à Jacques Majorelle on comprend que les bleus travaillent bien dans le jeu lumière et ombre.
Par exemple, les azulejos de tradition andalouse bleus et verts de l’ancien couvent de Nossa Senhora de Conceiçào à Beja, sont placés dans le cloître des évangélistes, tout comme ils le sont dans les patios clos des andalous et des anciens : c’est là que jouent la lumière et l’ombre toute la journée.

(Photo LOF - Estoï : le bleu refroidi l'ombre)

Le jardin ibérico mauresque de Jacques Majorelle est difficile à lire à la première visite à cause de ses sinuosités et des incompréhensibles bambous, on y cherche un plan : erreur un jardin habité n’est pas un jardin à parcourir.
Ce qu’il faut y regarder c’est les lumières et les ombres changeantes.
C’est justement le travail des bleus de les mettre en valeur, ils font cela très bien à cause de leur capacité à refroidir l’ombre.
Majorelle les sature donc ... dans l'ombre.

(Photo LOF - Estoï : le bleu au jardin, l'ocre à la maison, car le bleu est l'ami du vert)

Saint Laurent attachait un soin particulier aux matières, on comprend : ce sont elles qui font jouer les lumières et les ombres dans les couleurs.
Concevoir un jardin est bien entendu un acte créatif, mais c’est surtout avoir un œil qui voit la couleur dans la lumière et dans l’ombre ou l’inverse : c’est la même chose.
Saint Laurent voyait cela.
C’est bien que ces cendres reposent  à côté de son jardin dans l’ombre et la lumière bleues.

(Photo blog - Saint Laurent en bleu)

Comments

[Rédigé par : François le jardinier de Marandon]

Bel hommage au bleu,et à YSL c'est un grand moment d'émotion que la visite du jardin Majorelle, ce bleu vous marque à jamais et vous lachera plus.

[Rédigé par : François le jardinier de Marandon]

Ps si vous pouvez suivre ce soir France 3 Des Racines et des ailes :
Jardins d'Eden.
http://programmes.france3.fr/des-racines-et-des-ailes/index-fr.php?page=emission

Au Maroc, à Madagascar, en Tunisie, en France, en Espagne ou aux Antilles : Des Racines & des Ailes vous invite à un tour du monde de lieux exceptionnels et vous propose un voyage dans l’histoire de l’art du jardin.

Arnaud Maurières, Eric Ossart, Camille Muller, trois paysagistes nous font découvrir leur travail, partager leurs passions et nous initient à l’art du jardin et du paysage. Jardin fermé pour Arnaud Maurières et Eric Ossart ; jardin ouvert sur le paysage pour Camille Muller ; leur point commun : inventer le jardin de demain en s’inspirant des grandes réalisations qui font référence à travers le monde.

[Rédigé par : louise]

:) merci JP. Pourquoi? pour avoir mis des mots sur... je suis une bleue... fille cadette, le rose était déjà pris... mais je m'en suis rarement plaint. Regardes les azulejos portugais, selon les périodes... ils se déclinent sur le bleu et les artisans portugais ont fait cette recherche du bleu. lorsque j'apprenais à faire des azulejos, j'essayais d'expliquer justement ce que tu dis si bien... on me proposait des pigments qui donnaient des bleus... inadéquats. que ce soit le ciel, l'océan, le bleu est omniprésent mais toujours fugace. Son joli sigle à YSL nous manquera. et tu remarqueras que les plus jolies roses ont souvent une petite trace de bleu dans leur couleur, les rouges les plus flamboyants aussi. pour les asperges blanches, ce n'est que depuis 2005 que nous avons commencé à en produire et elles sont rarissimes.

[Rédigé par : Fincasor]

Oooh, ce bleu, c'est presque insoutenable !
Ça me tord le ventre tellement c'est épais et profond.
Ça n'est pas une couleur c'est une matière…

[Rédigé par : jp]

On travaille le azulejos du jardin bleu
ça va être quelque chose
la mort d'YSL m'a donné une grande tristesse
on va faire le jardin bleu en pensant à lui
jp

[Rédigé par : Silène]

Quel magnifique post ! Merci !

[Rédigé par : jo tourtit]

Tu as bien fait de rendre hommage à Yves St Laurent en te servant du bleu Majorelle car grâce à lui, le jardin Majorelle que j'ai connu en 1979 en piteux état (donc avant qu'il ne l'achète), a retrouvé son faste d'antan (et même plus !). Ce bleu est une référence qui enchante le regard. J'en ai parlé dans ma catégorie MAROC (Marrakech le 14 01 2007 (http://laurejo.canalblog.com/
archives/2007/01/14/3684597.html).
Biz

[Rédigé par : jo tourtit]

Je vois que tu vas poser des azulejos bleu dans le LOF en pensant à lui. J'ai également été attristée par son décès.
Ce beau jardin n'aura que plus de valeur à présent qu'il y repose ! Bien que l'âme de Jacques Majorelle plane encore beaucoup (il ne faut quand même pas tout lui enlever ...!).

[Rédigé par : Phil']

C'est bien de rappeler ce qu'on doit à Monsieur Saint Laurent. Il faudrait faire de même à propos de personnages tels que François Coty, Madame Grès, Worth, Jacques Fath (un si grand artiste si souvent oublié) Balenciaga ou Schiaparelli, tous des gens qui frisaient le génie, s'ils ne l'incarnaient pas. On nous a suffisament rebattu les oreilles avec Coco Chanel.

[Rédigé par : JCP]

Quoi dire, maintenant que tout est dit? Quoi dire, sinon continuer à explorer, en peinture, la lumière des ombres où le noir n'entre jamais et où domine l'outremer que j'appellerai désormais "Bleu YSL".

Exit un grand du bon goût.

Merci JP pour ce brillant billet de circonstances.

[Rédigé par : colette]

Les iris sont bleus et le brodeur
François Lesage a réalisé pour Yves Saint Laurent une belle tapisserie inspirée de Van Gogh avec ces tournesols et ces iris

[Rédigé par : Phil']

C'est drôle, j'ai rencontré une ancienne d'atelier de Monsieur Dior, hier, à Cannes. On a évoqué la grande époque, celle où Monsieur Saint Laurent y avait débuté. Ce devait être très dur à l'époque, mais qui n'en parle pas avec nostalgie ? Je suis hors-sujet, mais comment parler de Saint Laurent sans évoquer d'autres grands de la Haute Couture française ?

[Rédigé par : colette]

Gilles raconte que dans les années
1980, YSL a présenté sa collection automne-hiver à la fête de l'humanité devant 600 000 personnes, ça a été un triomphe, avec un feu d'artifice final. Les mannequins étaient tellement émues qu'elles se sont mises à pleurer. C'etait un grand homme !
C'est bien de nous l'avoir rappelé !

[Rédigé par : Loizo]

"Le bleu est la cause désespérée du jardinier, peu de plantes ont des fleurs bleues, surtout pas les roses"... et j'espère que jamais sinon que deviendra la magnifique histoire de "La rose bleue de Chine" ? Superbes l'article et les photos à propos du bleu Majorelle. Je poursuis ma visite. Belle soirée

[Rédigé par : gabriella]

Je continue ma promenade dans ton "jardin
habité". Merci pour ce beau billet rendant
hommage à YSL. J'ai pris beaucoup de
plaisir à parcourir le jardin de Majorelle