(Photo LOF : Le blanc, c'est d'abord le vert)
Cette note aurait pu figurer dans « jardiner dans un fauteuil ». En effet, le jardin blanc est un jardin non aléatoire facile à réussir sous réserve d’obtenir des fleurs d’un vrai blanc (ça ne manque pas) et de maintenir une floraison permanente.
Brigitte de Carrière qui entretient à Larra des kilomètres de buis répète qu’un jardin blanc est d’abord un jardin vert.
Parti sur cette certitude confirmée par la persistance de nombreux jardin blancs plantés au XXeme siécle, on pouvait imaginer le jardin blanc comme un jardin simple : blanc et vert le tour est joué.
(Photo LOF : un jardin facile, un jardin blanc... pas si simple)
Le jardinier de la Plaine du Moulin écrit « Avec le blanc, la faute de goût n'existe pas. Promenez vous un soir d'été dans un jardin blanc : c'est l'illumination assurée… impression incomparable d'espace, mise en valeur des feuillages, symbolisme de la couleur blanche…»
Visiter le jardin d’Henri Le Sidaner à Gerbevoy – qui ne fut pas exclusivement blanc mais une suite de jardins monochromes – permet de comprendre le lien entre le jardin blanc et la lumière.
Ce jardin a été conçu pour servir de modèle aux toiles de ce remarquable chercheur de lumières rares et présentes.
(Henri Le Sidaner "Dimanche" - blancheur = lumière palpable)
Le blanc aime la fragilité d’une lumière incertaine.
Comme les bijoux blancs ou des intérieurs blancs des années 30, le jardin blanc est une réaction minimalisante aux exubérances colorées des impressionistes et du début XXème (non seulement monochromes il peuvent être monofleuris comme Hidcote Manor Garden et ses phloxs blancs).
Mais c’est positivement un univers durable qui a été inventé avec les jardins blancs, réservé à des émotions et à des pensées délicates et mouvantes.
(Sissinghurst : le jardin blanc de Vita Sackville-West)
Création de Vita Sackville-West et Harold Nicolson (son mari), Sissinghurst Castle est un beau jardin blanc à voir.
La célèbre jardinière-journaliste (1892-1962) avait une connaissance architecturale et spontanée du jardinage et un oeil qui voit.
Kirk Johnson a rédigé une belle étude sur le jardin blanc de Sissinghurt qu’il met en rapport avec Mehtab Bagh, à côté du Taj Mahal.
Ces jardins indiens furent pensés et réalisés pour l’amour d’une femme, « Lumière de la demeure » en vue d'être habités à la lumière de la lune - lumière on ne peut plus blanche.
Kirk Johnson note que le mari de Vita était l’ami de l’architecte Edwin Lutyens, qui travailla en Inde pour la Nouvelle Dehli.
(Photo LOF : Eschscholtzias blancs)
La connivence du jardin blanc et d’une lumière rare implique un jardin structuré de taille réduite (comme Tintinhull qu'aimait Vita, créé par Phyllis Reiss entre 1933 et 1953) ou une salle d’un jardin-demeure sur le mode du jardin mauresque héritier du jardin persan - Harold a vécu à Téhéran).
(Phoro LOF : Jardin blanc de LOF 06 2005, le matin à l'aube, début de croissance des plantes)
Les jardins de LOF sont au sud du Portugal, dans un pays de climat favorable où par tradition on accorde de l'importance aux parfums des fleurs.
Les parfumées qui poussent ici sont souvent des subtropicales aux parfums intenses (agrumes, tubéreuses, jasmin, tabac, lys du Maroc, Dame blanche etc) qui se libèrent le soir et au début de la nuit (fécondation par chauves-souris ou insectes crépusculaires).
Ces fleurs sont majoritairement blanches.
En somme, les jardins blancs sont des petits jardins (vraissemblablement d'origine Perse) pensés pour mettre en valeur des instants rares (brumes, soirées chaudes, nuits de lune...) où une lumière diffuse et blanche rend l'espace présent (les parfums nocturnes contribuent à emplir l'espace). Ils ne sont pas fait pour marcher, pour le spectacle ou pour la mise en scène. Il sont fait pour être habités en ces moments précieux.
(Photo LOF, Tabac blanc, un parfum du soir fort, bon)
Voilà pourquoi le jardin sud a en son centre un jardin blanc, pensé pour être habité les nuits de lune en été et en automne, avec un bassin arabe, une géométrie insistante, des accessoires verts, des arbres silencieux au vent (dracos).
Et ça marche, s’y asseoir sous la lune est un bonheur rare.
(Photo LOF - Le bassin du jardin blanc de LOF à l'aube)
Il reste le débat sur le vert. Les britanniques, les picards aiment les feuillages gris vert.
Suivant le principe « la nuit tous les verts sont gris » et sachant que le jardin blanc doit aussi s’adapter à la lumière plombante, le jardin du sud de LOF adopte un décors de vrais verts qui forcent les blancs sous le soleil.
Ils ne manquent pas d’exotisme sous ces latitudes.
(Photo LOF - Une verte et blanche spontanée, l'arum blanc)
Superbe la dernière photo...
Rédigé par : Sophie | 19/06/2005 à 14:18
Merci pour ces superbes vues des jardins du lof.
Rédigé par : Phil | 19/06/2005 à 22:53
Superbe, le jardin blanc. ton billet est tres documenté, une foule d'informations utiles, je n'ai pas fini de visiter tous les liens. superbe travail, à la fois de jardinier et de chroniqueur !
amitiés des Alpes.
Rédigé par : Anne Printemps | 21/06/2005 à 22:34
Comme c'est beau!
Rédigé par : Elvira | 24/06/2005 à 19:29
Je retiens "Le blanc, c'est d'abord le vert", comme l'obscur fait le clair.
Rédigé par : JCP | 26/06/2005 à 10:54
Merci pour ce beau site que je découvre. Vous avez raison de parler de la nuit et des parfums en ce qui concerne les jardins blancs. Celui de Sissinghurst (qui n'est qu'un des jardins de la propriété) est un jardin de crépuscule. Il est né de ce que Vita Sackville-West et son mari prenaient chaque soir ce chemin pour se rendre du bâtiment de l'Aumônerie où ils dînaient au Cottage sud où ils dormaient. "J'espère vivement que l'été prochain, au crépuscule, le fantôme clair de la chouette effraie survolera en silence un jardin pâle - ce jardin pâle qu'aujourd'hui je plante, sous les premiers flocons de neige" écrivait Vita en janvier 1950.
Ce jardin "blanc" acceptait d'ailleurs du gris ou plutôt, du gris argent : cinéraires, armoises, santolines... Celui que l'on peut voir aujourd'hui n'est plus celui de son architecte (les amandiers ne sont plus, les rosiers Iceberg ont remplacé les White Wings et les Pascali) mais elle ne renierait certainement pas le Melianthus major à feuillage bleu-vert pâle ou la campanule Burghaltii aux clochettes lilas-gris plantés après sa mort.
Nous sommes tous fascinés par les jardins blancs. Mais ne porter attention qu'à ce seul élément de la non-couleur serait se priver de bien d'autres plaisirs. Un jardin, ainsi que votre site le démontre, ce sont d'abord des formes, des textures, des senteurs. Comme vous le dites, et encore plus pour les jardins blancs, "pas si simple" !
Rédigé par : JLA | 06/07/2005 à 16:17
la vue du jardin le matin à l'aube, entouré de murs blanc est magnifique. chaque jardin est unique, si des styles existent, chaque jardinier apporte sa touche personnelle, compromis entre le biome et l'esthétique recherchée.
Rédigé par : François | 15/07/2005 à 13:48
Merci, pour ce sublime blog.
Quelle belle inspiration, que ces pages toutes en metaphores...
Quelle mine de ressources, de references, sous une main raffinee, visionnaire et gracieuse.
« L’aurore est un cheval (qui s’ébrouant, chasse au loin les corneilles) » Norge.
Je viendrais souvent au jardin!
karole irene.
Rédigé par : karole irene | 07/08/2005 à 20:05