(Photo Fondation LOF - Dona Leonor de Almeida Portugal par Franz Joseph Pitschmann - Photo retouchée des taches et craquelures)
La marquise d'Alorna - marquesa de Alorna - est une célèbre femme de lettres pré-romantique portugaise qu' Alexandre Herculano comparait à Madame de Staël, avec qui elle avait beaucoup de points communs.
Le château des Marquis de Fonteira possède un joli portrait d’elle au pastel, la Fondation Fronteira et Alorna (Fundação das Casas de Fronteira e Alorna) en a aimablement autorisé la publication par la Fondation LOF, la biographie de cette note est rédigée par Philippe (Voir bibliographie détaillée sur le site de l’INA) .
(Photo Fondation LOF - Dona Leonor de Almeida Portugal par Franz Joseph Pitschmann - Photo non retouchée)
Dona Leonor de Almeida Portugal Lorena e Lencastre (1750-1839) a laissé une oeuvre poétique (célèbre poème "Oferenda aos Mortos") et épistolaire considérable encore largement inédite.
Sa correspondance va être publiée, notamment ses lettres à la comtesse de Vimioso, Dona Teresa de Mello Breyner, "Tirce" (ou Tircis), pendant sa réclusion au couvent St Félix de Chelas à Lisbonne.
Elle avait 9 ans en 1759 lors de l'élimination de sa famille maternelle, les Tavora – dont sa grand-mère - par le marquis de Pombal (Sebastião José de Carvalho e Melo, futur comte d'Oeiras) premier ministre de Joseph Ier, sanglant règlement de compte qui provoqua un choc à travers toute l'Europe et marqua durablement les esprits.
(Photo et références arqnet.pt Supplice des Tavora le 13 janvier 1759 à Belém. La marquise de Tavora, grand-mère maternelle de Leonor est en noir au centre) au centre a été suppliciée en premier, pour avoir été l'opposante la plus virulente, obstinée et acharnée à la politique de Pombal qu’elle méprisait et traitait de "nouveau riche", de "parvenu arriviste". Sa complicité avec la Compagnie de Jésus - à travers son confesseur illuminé, le père Malagrida - a été pour beaucoup dans la violence de l'élimination des Tavora. Lire d’avantage en fin de note)
Elle fut cloitrée pendant 18 ans, comme sa mère et sa soeur Maria (future comtesse de Ribeira Grande) et les proches des Tavora.
Au couvent elle emploie son temps à lire, écrire et tenir salon de poésie – usage qu’elle conservera la liberté retrouvée dans sa maison de Bemfica.
Elle se acquiert une culture encyclopédique et adhère aux idées des Lumières.
Elle correspond sous le nom de plume arcadien d’« Alcipe » ou "Alcippe" et devient célèbre dans le monde des lettres, comme "outeiros de Chelas" « éminences de Chelas ».
(Photo LOF - Chateau des marquis de Fronteira /Pala¡cio dos Marqueses de Fronteira)
Après avoir épousé le comte Karl von Oeynhausen-Gravenburg (1739-1793) envoyé plénipotentiaire du Portugal à la Cour de Vienne elle vit à Vienne où elle aurait été très estimée de l'impératrice Marie- Thérèse.
L'étendue de sa culture, son caractère aimable et ses multiples talents artistiques, lui ouvrirent également les portes des Cours de Madrid, Versailles et Londres.
(Photo Fondation LOF - note au dos du pastel identifiant la marquise, on voit que le pastel a été ouvert et mal réencadré)
Son portrait par Joseph Franz Johann Pitschmann 1758-1834 (58 x 47 cm) porte au dos la mention manuscrite de son nom et la signature de « J. Pitschmann fecit » est en bas à droite.
Deux pastels de J. Pitschmann sont au cabinet des pastels du Musée Narodowe à Varsovie dont celui du roi de Pologne Stanislas II 1789 (cf par N. Jeffares p.423 du DDPb1800).
(Photo Fondation LOF - Signature de Joseph Franz Johann Pitschmann "J. Pitschmann fecit" non daté)
Ce joli cabinet de pastel possède aussi un pastel d’A-R Mengs)
(Photo Musée Narodowe à Varsovie : Franz Joseph Pitschmann - Triest 1758 - Krzemieniec na Wołyniu 1834 Portret Stanisława Augusta mundurze generała wojsk koronnych, z orderem Orła Białego, 1789 - 1794)
Le pastel est traditionnellement daté de 1780, elle avait 30 ans, ce qui correspond bien à l’age du portrait.
L’état de conservation est moyen, d’une part l’encadrement n’est pas étanche, le pastel est donc attaqué par des champignons (taches noires sur l’ensemble du pastel), d’autre part il s’agit d’un pastel sur un support de toile (je ne lai pas ouvert) vraisemblablement enduite – ce qui est rarissime – car il présente du fait de la rigidité du support des craquelures qu’on ne voit jamais sur un pastel XVIIIeme.
(Photo Fondation LOF - Gros plan qui permet de voir les champignons - taches noires - qui se développent sur les pastels à liant décomposable, et ces très curieuses craquelures semblables à celles d'une huile sur toile sous verni)
Elle est en buste, habit noir et blanc typiques de la décennie 80, fond gris.
Elle porte dans ses cheveux un rare bijou de perles noires.
(Photo LOF – Dona Leonor porte un joli rang de perles noires, dégradés de gris à la mode)
Portrait de sa grand-mère par Philippe :
Cette marquise - Dona Leonor Tomásia de Távora, comtesse de São João da Pesqueira et marquise de Tavora, née le 15 mars 1700, décédée le 13 janvier 1759 - était était issue de la haute noblesse d'extraction (ou de souche) elle avait pris la mauvaise habitude d'être traîtée à l'égal d'une reine lorsqu'elle vécut aux Indes avec son mari, quand il en avait été nommé vice-roi.
De plus, elle avait un caractère varonil ; comme disent les portugais (c-à-dire : de mec !) pour ne pas ajouter qu'elle avait un sale caractère.
Totalement influencée par son confesseur et directeur de conscience (le fameux père Malagrida - qu'on disait être un véritable illuminé -) comme toutes les dames de sa maison (les intéressantes mémoires de la comtesse d'Atouguia, fille aînée de la marquise de Tavora - Cf. article dans le site arqnet.pt -) elle devint l'égérie de la réaction, s'opposant à tout ceux qui manifestaient le désir de réformer le pays.
Le palais des Tavora passait pour être un foyer d'opposition.
Elle devait être de ces gens qui fustigeaient l'esprit des Lumières, qui gagnait pourtant du terrain au Portugal dès cette époque.
Le fait que le roi (qui n'avait que deux filles...) s'en remettait totalement à Pombal (auquel elle ne pardonnait ni son ambition, ni ses manières d'arriviste, ni sa petite naissance : il fallait alors être issu des rangs de la haute noblesse pour accéder aux plus hautes charges de l'Etat) et lui laisse le champ libre pour faire et défaire tout dans le pays, recourrant aux réformes les plus audacieuses SANS consulter la haute noblesse : c'était totalement inacceptable pour ces gens dont elle, son mari et le duc d'Aveiro faisaient partie.
C'est bien simple : ils ne manquaient pas une occasion d'afficher le plus grand mépris pour le futur Pombal.
Ils ne s'imaginaient pas à quel point le roi était excédé par leur attitude (Aveiro avait fait abusé à plusieurs reprises de la patience du roi, depuis l'enlèvement (dans sa folle jeunesse) d'une femme -- du même rang mais déjà mariée -- aux pires bassesses pour acquérir les biens et titres du vieux -- et riche -- duc d'Aveiro, Dom Gabriel Ponce de León y Lencastre mort en 1745 sans héritier direct, dont il n'était, somme toute, qu'un parent éloigné).
Pombal attendait son heure.
Trop c'en fut trop : le roi Joseph Ier chargea son premier ministre de l'en débarrasser, et chose faite, le fit comte (d'Oeiras).
Mais Pombal ne s'arrêta pas en si bon chemin et expulsa les jésuites en 1758 (expédiés à Civitavecchia, en cadeau pour Sa Sainteté le bon pape Clément XIII) renvoya le nonce apostolique et rappela l'ambassadeur du Portugal (en 1760).
Et hop ! Qui disait que le Portugal, l'Espagne et le royaume des Deux-Siciles étaient les Cours les moins portées au progrès ?
Ce ne sera plus le cas du Portugal jusqu'en 1777 (décès de Pombal et accession au trône de Marie Ière, fille de Joseph Ier, qui allait s'employer à défaire tout ce que Pombal avait fait, sans grand succès toutefois : les temps ayant changé).