(Photo Grégoire L. - Quel événement est raporté dans ce portrait ? Qui est-ce ?)
Grégoire L. – Paris a acquis il y a quelques mois le pastel présenté ci-dessus.
Il pense qu’il est de la main de Pierre Joseph Lion, attribution qui me semble contestable, on dirait un Hoin (cadrage, pose, le bleu – il est sur ce papier bleu qu’utilisait Hoin etc.)
A la fin de la grande époque du portrait, à la fin du XVIIIeme, les portraits ne sont plus seulement des portraits mais des narrations.
(Photo G.L. - Ce visage ne décrit pas une personne mais un moment)
Le pastel de Grégoire L. est un exemple parfait car il rapporte un événement.
D’abord le personnage à une arme à la main, il a retiré un gant pour s’en servir, le doigt sur la gachette, mais ne l’a pas encore fait ( le chien est levé ).
La scène se passe dans un pays de montagnes arides (Espagne, Italie, Grece...?).
L’hypothèse d’un pastel de Lion qui véçu quelques temps en Espagne n’était pas à négliger.
Le personnage ne regarde pas le spectateur mais il fixe un point lointain du côté où est tournée l’arme.
Il attend quelque chose.
Le personnage porte-t-il un uniforme bleu et bleu foncé
Grégoire pense au Royal Liégeois, fondé en 1790 - pour un an - et qui devient le 101ème de ligne en 91, mais qui fut reconstitué en 1794 par son fondateur Joseph-Clément Sailler de la Tour, au service des anglais mais les couleurs ne correspondent pas.
(Photo clham.org - une affiche de recrutement du Royal Liégeois)
Son gilet est rouge à décors doré, je ne connais pas d’uniforme avec ce type de chapeau sous l’empire.
Les épaulettes ont elles un sens ?
Un spécialiste des uniformes peut-il aider Grégoire ?
(Photo G.L. - Détail, jamais facile de bien observer sur une photo d'un pastel sous verre, autour de la main gantée des reflets)
Le personnage porte une décoration, sur le revers gauche de sa veste, la décoration est un grade élevé, le ruban est bleu avec deux lignes blanches ?
La croix (semble d’or) a 4 branches terminées par des pointes pommetées.
Le centre est illisible.
Un phaléristique peut-il aider Grégoire. Quelle est cette décoration ?
(Photo G.L. - Ce détail a été recontrasté et les contours des objets renforcés : à quel ordre appartient cette médaille, quel est le garde dans l'ordre ?)
suite de cette note
Grégoire a pris des photos sans le verre (très dangereux, il ne fut pas de contact avec le verre au remontage). Vous trouvez ci dessous : le détail de la croix, et le détail de la main. Le mystère s'épaissit.
(Photo G.L. Détail de la décoration)
(Photo G.L. Détail du bas du pastel)
Que tient cette main, on pense à une mousseline qui est représentée par des traits jaunes ?
Que représente les sortes d'acanthes noires en bas à droite avec tout en bas à droite un objet rouge au centre duquel est une bille qu'on dirait d'acier ?
Si ce pastel est de Hoin de détail devrait être visible, Hoin comme tous ceux qui ont fait de la miniature sont étonnamment précis dans le détail signifiant, y compris dans les grands portraits.
(Photo - recontrastée - G.L. - le détail en bas à droite, sur fond noir - qu'est-ce que cela ? clic sur la photo pour mieux voir)
Note du 24 03 2006
Le détail est une armoirie.
Grégoire a pu la lire et déterminer qu'il s'agit d'un de Marneffe.
Voici le texte de son mail :
"J'ai eu le fin mot de l'affaire de la bouche même d'une demoiselle de Marneffe, à Bruxelles : il s'agit de Pierre-Joseph de Marneffe, né à Bruxelles le 20 mai 1760.
Il épousa vers 1787 Elisabeth-Lambertine van Assele.
Il créa son propre corps pendant la révolution brabançonne (d'où nos errements au sujet de l'uniforme car les tenues de ses soldats étaient assez fantaisistes).
C'était la forte tête de la famille à cette époque. Il était marchand de tableaux à ses heures (tiens-donc! d'où la qualité du pastel?).
Ses enfants firent carrière dans l'armée (Louis-Joseph et Jean-Baptiste) ou dans la peinture (François, et Anne-Lambertine-Adèle qui épousa le peintre de paysages David-Chrétien-François Külne).
La cocarde serait brabançonne."
La cocarde brabançonne était rouge, jaune et noire...les brabançons portaient le plumet...
allons questionner les spécialistes.
Bon sang, qu'elle énigme ! Heureux qu'elle soit presque totalement résolue.
Un marchand de tableau belge, ça c'est pas mal ! Tout s'explique enfin.
Rédigé par : Phil | mars 28, 2006 à 01:58 AM
Bonjour JP,
c'est grâce à Jo que j'ai trouvé votre blog que je visite régulièrement sur la pointe de pieds pour ne pas déranger...Je suis à chaque fois sous le charme de votre magnifique domaine, de son jardin envoûtant, de vos photos sublimes et des recettes gourmandes de votre épouse. Je pense ce que je dis, ne voyez donc dans mes paroles aucune flatterie.
Votre passion pour les pastels du XXVIII m’a rappelée un souvenir d’enfance que j’avais oublié depuis bien longtemps.
Mes parents avaient reçu en cadeau de mariage de nos cousins anglais, deux pastels sur porcelaine (enfin je crois que c’était de la porcelaine). Ils représentaient des portraits et scènes de famille, maman et enfants si j’ai bonne mémoire. Maman n’avait pas prévenu la nouvelle bonne qu’il était formellement interdit d’y toucher. Des mouches s’étant oubliées sur lesdits pastels, la petite bonne pleine de bonne volonté passa un chiffon imprégné d’alcool à brûler pour nettoyer cet affront.. Et la, patatras, le drame! Il n’y avait pas de verre pour protéger ces merveilles et les couleurs partirent avec les chiures sur le chiffon à poussière. Je n’ai malheureusement aucune photo de ces pastels mais je sais que mes parents étaient atterrés ainsi que nos cousins. J’ai toujours entendu dire qu’ils étaient de grande valeur et dans leur famille depuis plusieurs générations. Je regrette bien de n’en savoir pas plus et me demande bien s'ils avaient une autre valeur que sentimentale.
Rédigé par : Pat de Verre | juin 10, 2007 à 12:37 AM
merci pour ce que tu dis,
il a existé quelques pastels sur biscuit à la fin du XVIII° et début XIX°
ils étaient de petite taille, traités comme des miniatures
naturellement les tiens ont subit le sort de tous, sans verre et sur porcelaine... l'espérance de vie en bonne santé est très faible
Rédigé par : jp | juin 11, 2007 à 10:26 AM
Madame Monsieur
La pièce évoquée a été récemment acquise par le Musée Royal de l'Armée et d'Histoire militaire de Belgique.
Ce portrait représente le capitaine Pierre-Joseph de Marneffe durant la Révolution brabançonne, et plus précisément à la bataille de Coutisse, durant laquelle il sauvera d'un coup de pistolet un de ses amis en abattant un cavalier autrichien qui le chargeait (1790) (d'où la présence du pistolet).
Le capitaine de Marneffe a composé une troupe de chasseurs dits “de Bruxelles”, qui sera surtout recrutée après la prise de la ville de Gand (novembre 1789).
Ces chasseurs “de Flandre”, ou “de Flandre et de Brabant” étaient coiffés du “casquett” autrichien, récupéré dans les casernes de Gand, puis d’un chapeau troussé à la Corse, inspiré par les troupes légères autrichiennes. Ils étaient armés d’une carabine et habillés d’un habit en drap de fond vert bleuté, revers et parements noirs. La discipline et la bonne cohésion de ce corps lui permirent d’être incorporé tel quel dans l’armée régulière comme troisième régiment de chasseurs. Après la défaite de Marche, qui refoula l’armée belgique sur la Meuse, son unité fut cantonnée près de Bouvignes.
Uniforme de cette unité:
De manière constante, on retrouve pour le régiment de Marneffe: un drap vert à nuance fort bleutée, à revers et parements noirs , des buffleteries noires. Le passepoil aurait été jaune ou blanc, les boutons jaunes, les culottes recues jaunes ou vertes (D'après les archives du Fonds Jordens, n°33bis, reprises de la Secrétairerie d'Etat et de Guerre n° 576 (AGR)).
Ceci dit, les chasseurs de Marneffe portaient, comme tous les chasseurs de l'armée régulière (4 régiments) l'habit vert à distinctives et buffleterie noires, et il est très difficile de les distinguer entre eux, ou avec des chasseurs-volontaires des milices urbaines, qui ne faisaient pas partie de l'armée de la république belgique. La peinture de Van Imschoot, réalisée vers 1840, n'est pas une source contemporaine et reste sujette à caution, mais elle est basée sur une série de représentation des milices urbaines: les chasseurs d'Alost sont bien décrits ainsi à l'époque de la révolution de 1789-1790.
La tenue de de Marneffe
Sur le portrait de Pierre-Joseph de Marneffe, la couleur du drap de fond de l’habit a été altérée (il s’agit normalement d’un vert profond, ou d’un bleu de roi si l’on tient compte des carences de l’intendance de l’époque (voir article sur les troupes de la république des Etats-Unis belgiques, in Militaria Belgica, 1991).
Sa décoration est en réalité d'une médaille fournie 40 ans plus atrd aux anciens combattants de la Révolution brabançonne.
Le major puis colonel de Marneffe fut –il un démocrate? Question intéressante à résoudre. Cela est peu probable: le fait qu’il n’ait pas été inquiété après l’arrestation du général Van der Mersch (attention: orthographe actuelle: Mersch et non Meersch), mais promu au contraire militerait plutôt en défaveur de cette thèse.
Les troupes de la Révolution se dispersèrent sur ordre le 2 décembre 1790, à Gand. Surveillé de près par la police autrichienne après la Restauration, le colonel, qui semblait avoir abandonné toute carrière militaire, tenta de vendre l’équipement au Bengale.
Restant à votre disposition pour tout renseignement complémentaire
Dr Pierre Lierneux
Centre d'expertise documentaire
Rédigé par : Lierneux | juin 04, 2008 à 03:25 PM
Bonjour, merci et bravo Pierre
bravo d'avoir acquis le pastel, c'est un joli portrait, il est désormais visible par tous, c'est une très bonne nouvelle
merci pour votre savoir.
Je vais retoucher l'ensemble de la note dès que j'en aurai le temps,
je veux bien croire à une altération des bleus, en revanche, il semble bien que le pigment utilisé pour le ciel est le même que celui du tissu
l'option bleu roi me parait vraisemblable, sinon on irait vers un ciel verdâtre, ce qui n'est pas possible
Le paysage vallonné serait donc Coutisse, d'où le tronc d'arbre.
Le capitaine a l'air très heureux de son coup de pistolet.
C'est un moment important, sauver cet ami devait avoir été quelque chose de fort
Pourquoi un pastel ?
Le pastel est une technique beaucoup plus rapide que l'huile, il a dû être fait très peu de temps après l'évènement
Le portrait est volontairement cadré sur le pistolet et le bras qui sont au 1/3 de la hauteur.
(Cadeau de son ami pour le remercier ? Un portrait avec les bras coutait plus cher qu'un portrait simple )
A quelle date a eu lieu la bataille ? Il semble bien que les arbres sont en feuille, est-ce en été ?
Il s'agirait alors d'un travail daté de 1790, s'il avait été fait longtemps après, il aurait été fait à l'huile.
Qui a fait ce pastel ?
un bon pastelliste, reste à trouver les pastellistes actifs en Belgique si vous confirmez la datation
Quelle belle chose que l'internet qui permet nos rencontres
bien à vous
jp
Rédigé par : jp | juin 05, 2008 à 09:52 AM
mail reçu le jeudi 5 juin 2008 11:18
Grand merci pour vos précisions, tout à fait éclairantes pour les problèmes d'altération éventuelles des pigments, ou l'usage d'un bleu verdâtre.
Le combat de Coutisse a eu lieu le 3 septembre 1790 entre les troupes de la république belgique et l'armée impériale autrichienne (cfr PETITJEAN (O.), Un épisode de la révolution brabançonne. Le combat de Coutisse, in Carnet de la Fourragère, I (1924), pp. 12-16).
Il s'agit d'une offensive victorieuse de l'armée belge pour prendre les redoutes d'artillerie qui gênaient la position "belge" de la tête de pont d'Andoy.
L'épisode doit se situer en mi- journée, lorsque les hussards hongrois ont protégé la retraite du gros de l'armée impériale.
Votre interprétation me séduit tout à fait, et correspond en effet à l'état d'esprit du moment.
Ma réponse :
nous avançons bien.
Effectivement, début septembre à la mi-journée correspond :
- les ombres portées du paysage et sur le colonel indiquent un soleil assez haut et correspondent à l'inclinaison de l'équinoxe d'automne
c'est un soleil de fin de matinée ou de début d'après midi
- l'observation du paysage me semble précise, documentée, elle est bien sur une hauteur où les artilleurs se postent, on voit bien la vallée en dessous
Ces deux faits confortent la thèse d'un pastel réalisé très peu de temps après la bataille où il a sauvé son ami
Un portrait ne se fait pas en général avec le personnage qui regarde ostensiblement de côté, le pastelliste a bien rapporté un instant précis.
Le colonel est représenté à pied et non sur son cheval, il regarde plutôt vers le haut
ce qui peut vouloir évoquer un cavalier abattu après la prise de la position
Il a l'air tout à fait calme, est-ce un épisode de fin de bataille ?
On comprendrait alors pourquoi son ami qui n'avait sans doute pas vu venir le danger a voulu immortaliser sa reconnaissance,
qu'en pensez-vous ?
Rédigé par : jp | juin 05, 2008 à 11:20 AM