(Photo Nina : portrait d'un turc au pastel - décenie 40)
Ce pastel appartient à la famille de Nina (en RFA).
C'est bien un portrait. De qui est-il, qui est-ce … difficile à dire sur photo? Mais c’est bien un portrait et non un de ces maures, une turqueries, un mamelouk de fantaisie, orientalisme avant la lettre, qu’on peut rattacher à la mode de l’exotisme avec les chinois, indiens, etc.
Le sabre, le turban blanc (turc) font penser à un membre d’une garde, qui n’est pas celle du sultan du Maroc (Louis XV négocia avec Mohamed III) ou le Dey de Tunis, mais plus sûrement celle du turc Saïd Effendi qui fut à Paris en 1741-42, reçu en audience officielle par Louis XV à Versailles le 7 janvier (voir son portrait au pastel par Coypel dans ma note du 7 novembre 2004).
Le fonds aux lumières de l’aube (l’orient) interdit qu’il s’agisse d’un personnage de théatre, c’est bien quelqu’un, l’auteur du pastel sait utiliser le fond pour nous dire d’où il vient.
Cette intention signifiante du portraitiste évoque automatiquement un autre portrait d’homme de couleur, celui de La Tour exposé au salon cette même année 1741… à Côté du grand portrait du Président Gabriel de Rieux (o1065 du Getty) suivez mon regard.
On connaît généralement la tête de noir d’Orléans - version tronquée - qui n’est pas l’original du salon : celui-ci se trouve dans les réserves du musée d’Art et d’Histoire de Genève (n°125), hélas peu souvent exposé.
Ci-dessous la copie extraite du catalogue de l’école française fait par Renée Loche. Ce remarquable portrait dit « Jeune nègre rattachant le bouton de sa chemise » est également intéressant par son fond qui représente la mer et un grand ciel lointain.
(Photo catalogue du Musée de Genève, Jeune noir par La Tour - salon de 1741)
Le personnage tourne la tête et - chose rarissime chez La Tour - regarde dans le lointain (Lumière de l’œil opposée au sens du regard) sans sourire mais avec une expression nostalgique (saudade). De la main il ferme le col de sa chemise comme s’il avait froid et pensait à son chaud pays.
La Tour a toujours eu un attrait pour les idées progressistes, il entra en maçonnerie sans doute vers 1750.
A l’époque la traite expatriait les esclaves africains vers l’Amérique. Il y avait vers 1740 plus d’un milliers de noirs en France. Un texte de Louis XV interdit de posséder des esclaves noirs plus de 3 ans en métropole. Je ne serais pas surpris que La Tour ait eu une intention critique en exposant son noir à côté de de Rieux en pied.
Le statut des noirs est indéterminé, incertain, hors typologie sociale : certains avaient des postes importants, comme Adolphe Badin (1760-1822), secrétaire à la Cour de Suède.
(Photo Musée de Stockholm, Adolh Badin par Gustaf Lundberg)
Gustaf Lundberg a laissé de lui le beau portrait au pastel du musée national de Stockholm.
Le pastel de Lunberg est tout aussi chargé de signes : Badin dans un costume fantaisiste (plumes, carquois...) est représenté sans perruque, devant un jeu d’échec. Il montre le cavalier qui vient d’abattre le fou...
Il n’y a rien de nouveau, pour le problème de la perruque (qui servait notamment à ne pas indisposer les tempes grisonnantes en société) : Radio-canada qui montre un Mozart noir lui fait une perruque noire.
Pourtant noirs ou blancs nos cheveux blanchissent également avec l’âge.
Merci Nina, tu es membre à vie de la Fondation LOF.
(Photo Télévision Radio Canada : Mozart noir)