La cuisine du jardin

Bouillon de légumes (accord romarin, panais, Sfusato amalfitano)

Limone Pane Amalfitano

Le bouillon de légume, qui se fait avec les légumes d'hiver (carotte, poireau, navet, grossièrement coupés, branche de céleri, laurier) cuits dans beaucoup d'eau, est un dépuratif bienvenu en janvier pour laver les excès de fin d'année.
Il doit se consommer dans les heures qui suivent sa cuisson : compter 1 heure de cuisson à petite ébullition.
Il se fait sans gras, ni protéine animale d'aucune sorte
La bonne idée est de lui donner un gout corsé avec un panais, et d'ajouter un petit sachet de romarin sec.
Quand le bouillon est servi, râper dans les tasses du zeste de citron.

Limone Ovale di Sorrento

Les citrons à limoncello (Oval of Sorrento ou Sfusato amalfitano) avec leur zeste si peu minéral et si élégant se marient avec un rare bonheur au romarin et au panais.
La rencontre de ces 3 arômes élève le bouillon de légume dans un stratosphère de plaisir, à moindre frais que Dodin l'avait fait du pot au feu

(Joseph Hémard, Adèle apporte le pot au feu sur la table de Dodin)

Soupe bord de mer ibérique retour d'Osaka

Soupe inspirée de la soupe de pomme de terre à l'huile d'olive Albino de Fujiya 1935 (3 étoiles 2011 inspiration Japon/Espagne à Osaka chef Tetsuya Fujiwara)
C'est 2 petits galets de pomme de terre - (chair ferme en ce moment une polyvalente comme Franceline) cuites, écrasées en purée fourchette avec de l'huile d'olive et un peu de sel - posés dans un bouillon de coquillages assez court
Il faut que la purée reste avec des morceaux sensibles sous la dent, quelque chose à mâcher
mais les galets doivent aussi être lisses extérieurement quand on les forme dans la main.
L'huile d'olive est une macération 1 journée de fleurs de citron doux Vaniglia Rotondo (toute fleur de limette fera l'affaire)
cela donne une huile d'olive turbo, sans dominante florale d'agrume, avec une pointe d'amertume extra.

l'hiver 2013 est très très doux, les agrumes commencent à fleurir actuellement, et des asperges pointent le nez 2 semaines plus tôt que jamais vu

Il faut poser les galets chauds au dernier moment dans le bouillon moyennement chaud.
L'huile ne doit pas avoir le temps de diffuser dans le bouillon
Le but c'est qu'après quelques cuillerées salées de bouillon à goût connu de mer on mangue un premier galet.
En le mâchant un goût hyper pur d'huile d'olive envahit la bouche, c'est très bien vu de la part de Tetsuya Fujiwara.
On retourne au bouillon, la bouche se repose et n'a qu'une envie, aller au second galet.

Bouillon bœuf/topinambour/céleri

L’idée : Cuire le topinambour finement râpé avec des tiges de celeri rave pour qu’il soit parfaitement digeste.
L’ambiance : faire un bouillon de bœuf (reste de bouillon de pôt au feu [légumes, bouquet garni, oignons, gîte, os]) ou utiliser Ariaké au bœuf.
Le topinambour : peler, râper à la râpe à carotte, 3 CàS par personne
Le céleri : couper en fines rondelles 5 cm des tiges de feuilles de céleri rave par personne
Plus aromatique que le céleri côte, moins amère que le céleri branche.
Cuire le tout 15 bonnes minutes en partant du bouillon froid et dégraissé.
Servir avec quelques gouttes de citron nouveau (voir note acide chez A. Passard) et un peu d’huile d’olive.



Le plaisir : Parfaitement digeste. La légère mastication du topinambour, le vert du céleri.
Le goût : ample et délicat, rond avec la note aiguë du citron en main gauche
L’inattendu : Ce bouillon n’est pas l’habituel velouté, il conserve une texture végétale, il est beau
Le vin : un petit verre de porto rouge vieux, Vintage 1970 par exemple de chez Graham's.

Soupe de moringa

(Photo LOF - moringa oleifera est une plante [décrite par Lamarck] qui suscite beaucoup de travaux, elle est déjà mentionnée dans 500 publications scientifiques et brevets depuis le début de l'année, en premier lieu pour les propriétés antioxydantes du fruit)

Cette soupe s’inspire du chicken tinola philippin, elle peut se faire avec un bouillon de légume, c’est aussi bon.

L'arbre est de rusticité > ou = 10 : pas de gel significatif

Faire transpirer à sec, en remuant régulièrement, par personne :
- 1/4 oignon coupé en fines rondelles
- 1 gousse d’ail non pelée (qu’on retire avant de servir)
- une pincée de petits cubes de gingembre frais,
- quelques tranches fines de chayotte.
Quand l'oignon est transparent, c'est à dire en peu de temps, mouiller de 330 ml d'eau, ajouter un sachet de bouillon Ariaké Poulet, et
- une poignée de feuilles de moringa (Moringa oleifera, jadis en français Ben olifère, horseradish tree, en portugais acácia-branca, árvore-rabanete-de-cavalo = arbre queue de cheval)
Le gout léger de cette légumineuse évoque le petit pois et la sauge.



Laisser bouillir doucement 10 petites minutes.
Au moment de servir mettre quelques gouttes de sauce de poisson (nuoc-mâm) et, si vous êtes comme moi, une rasade de Porto blanc sec.
Les feuilles fraîches de moringa sont spécialement bonnes et énergétiques au moment où arrivent les jours courts, moment que choisi l'arbre pour fleurir, sous nos latitudes


photo extraite du site miracletrees.org

Silène enflé en salade

(Photo LOF - silène enflé)

Le silène enflé (claquet) se mange jeune comme condiment (hachée dans la mayonnaise, ou les mêmes usages que la roquette, ou le cresson alénois, bon avec des crustacés, les oeufs, les haricots, etc.) ou en salade mélangée ou non.
Si vous le mangez seul, cru, inutile de mettre de vinaigre, il a une legère amertume qu’il ne faut pas tuer, la sauce parfaite est sel fumé et huile d’olive.
Rien d’autre.

(Photo LOF - silène enflé en salade)

Vegetablevagabond a redécouvert au fond de sa Tasmanie les vertus du silène enflée dans la soupe :
« hier soir j'ai coupé une bonne poignée de tiges et de feuilles et je les ai mises dans ma soupe. C’est très doux, les tiges sont croquantes, pas du tout filandreuses… ».

(Photo LOF - on trouve de la graine chez Franchi, ça n'est pas plus compliqué d'en ramasser dans les champs)

En Italie la minestra allo sclupit développe sa sapore dolce e delicato,
en Espagne la colleja es una verdura muy fina,
on en fait une soupe chaude avec les pois chiches, et le gazpacho vuido de la Mancha – gaspacho cuit – 100% végétal, excellent.

(Photo LOF - silène enflé)

Soupe aux choux (quelle viande pour la… ?)

(Photo LOF - on écrit "soupe aux choux", même si c'est une soupe "au chou" ou d'un seul seul chou)

Depuis toujours, la soupe aux choux se fait au lard de cochon (bien entendu on peut y mettre saucisse, cervelas, etc.) : l’empereur Claude avait posé la question centrale de la viande aux sénateurs romains :
« est-il possible de vivre sans chou au petit-salé ? »
Réponse unanime : « Non, seigneur, plutôt mourir que de se passer de lard ».
Les enrichissements aristocratiques de l'ancien régime (le potage aux choux de Menon se fait de quelques livres de tranches de bœuf, de jambon, de lard et de gibier en garniture: canard sauvage, sarcelle, perdrix, pluvier, faisan…) ne doivent pas cacher que la soupe aux choux ne se faisait pas qu’au lard, et sans doute depuis longtemps.
On trouve de la soupe de brochet aux choux chez Massialot,
le Cuisinier impérial met une couche de veau dans le fond de sa marmite.

(Photo LOF - la soupe aux choux, ça fait envie rien que d'y penser, avec du gras, qui se tartine, et sur lequel on met du gros sel)

Mais en 1858, Louis-Eustache Audot, (tant respecté par les jardiniers et amateurs de roses) va beaucoup plus loin dans La cuisinière de la campagne et de la ville.
Il publie 4 recettes de soupe aux choux (classique, maigre [sans viande], au lait, et chasseur [ajouter à la soupe aux choux un lapin de garenne coupé en 4 ou 5]) et affirme : « La meilleure soupe aux choux se fait avec du mouton et point de lard »
Par la suite, Gouffé dans l’ouvrage définitif (le livre des soupes et des potages, sous embargo ) donne 3 viandes pour ses soupes DE choux :
- au lard ("cette soupe permet de faire tout un diner dans la même marmite"),
- à la poitrine de mouton, et …
- à l’oie ("cette soupe présente une grande ressource pour les fermes qui ont beaucoup d’ouvriers à nourrir").
Après tests, la soupe au lard de cochon est celle qui a le plus de goût.
Nous avons testé les souris de gigot, moins grasses que la poitrine, c’est bon, mais moins bon, plus doucereux.
Enfin pour l’oie, mieux vaut utiliser un confit de canard dégraissé, mais ça n'est plus vraiment de la soupe aux choux.
La soupe aux choux ne fait pas dans le léger, ne pas hésiter à ajouter aux légumes une bonne poignée de légumes secs, haricots, lentilles ou pois chiches.
Ils vont bien avec le chou bouilli.

(Photo LOF - ne pas oublier le cèleri branche, indispensable à la soupe au chou)

Açorda (théorie de l’ )

(Photo LOF - ail)

L’açorda est une soupe infusée : technique originale et intéressante, qui mérite d’être travaillée.
Sous son aspect de panade miséreuse, la plupart du temps mal décrite, il s’agit d’une technique élaborée qui remonte à l’origine de la cuisine indo-méditerranéenne.
Elle donne une soupe incroyablement savoureuse et saine.
Elle consiste à verser un bouillon très chaud dans une soupière où on a mis :
de l’ail pilé (pas trop),
de l’huile d’olive (brune),
un peu de vinaigre,
du vieux pain en morceaux,
des herbes : coriandre ciselée, menthe pouillot au début ou pendant l’infusion.
Autrement dit, seul le bouillon est cuit, le fond de soupière ne cuit pas mais infuse de 15 minutes à 1 heure, en remuant de temps en temps avec la louche dans une soupière en gros argile à forte inertie thermique.
Le pain (blanc en boule) a pour fonction d’absorber l’huile d’olive, une tartine par personne suffit.
L’açorda se sert dans une assiette creuse où on a déposé un œuf poché mollet.

(Photo LOF - Tulbaghia violacea = "ail de société", la fleur est parfumée la nuit, elle fait de belles soupes, son gout d'ail est doux et ne persiste pas dans la bouche d'où son nom car on peut en consommer sans incommoder personne par son haleine )

On utilise un bouillon clair, ici en général l’eau de cuisson de la morue du déjeuner avec éventuellement des morceaux.
La plus grande liberté est observable sur la composition du bouillon : poisson, fruits de mer, viande et à LOF bouillons de légumes.
L’açorda n’est pas d’un aigo boulido qui est cuit.
C’est une brusquetta liquéfiée, à base constante ail/pain/huile d’olive/herbes.
On la voit agrémentée de légumes crus (poivron, tomate…), de figues, de raisins, de champignons...
L’açorda est une soupe douce et aromatique qui arrive tiède dans l’assiette jamais liée, ni épicée, ni colorée, ni trop salée.
En Alentejo littoral l’açorda a une petite pointe d’acidité - tout à fait agréable – due au vinaigre.
Sur ces principes, voici les deux dernières açordas servie à LOF:
- Açorda d’artichaut (bouillon d’artichauts violets pelés coupés, cuits 1/4 d'heure avec du laurier, un morceau de cube de volaille, versé avec les artichauts dans une soupière avec appareil classique sans coriandre, mais avec menthe de rivière)
- Açorda d’asperge (bouillon de pointes de grosses asperges cuites avec un peu de cube de bœuf et un gros zeste de citron, versé avec des pointes d'asperges dans la soupière avec appareil classique aromatisé au cerfeuil)
La durée d’infusion est à régler selon l’herbe, avec de l’ail nouveau infuser au moins 20 minutes, avec le cerfeuil 2 minutes suffisent.

(Photo LOF - artichaut violet de Provence, plus coriace que les violets épineux convient bien aux cuissons en bouillon )

Crème de chayotte au laurier et à la coriandre – Cristophine

(Photo LOF – Chayotte, bien nommée poire-alligator en anglais)

Les amateurs de soupe crème à la chayotte ( cristophine / chouchou / xuxu ) ont eu en 2005 la crème chayotte-poireau, en 2007 chayotte-céleri rave.
Voici une soupe-crème de chayotte qui met en valeur la merveilleuse capacité de la chayotte blanche à accompagner les aromatiques, ici le laurier et la coriandre.
Cuire ¼ d’heure 3 chayottes (pelées, dénoyautées, coupées en morceaux), une dent d’ail, une feuille de laurier sec dans ½ litre de bouillon de volaille.
Couper le feu retirer le laurier, mixer en ajoutant de la crème et une bonne poignée de coriandre fraiche.
Cette crème est bonne chaude ou froide.
Quant on dit bonne ça veut dire bonne, demandez à Marion.
En 2005 la recette est datée de fin novembre, en 2007 de début novembre, en 2009 la récolte des chayottes commence depuis une semaine…
les olives ont aussi un bon mois d’avance.
D’après la météo portugaise, nous avons eu le mois de septembre le plus sec depuis 1987, il fait actuellement, mi-octobre, régulièrement proche de 30° chaque après-midi.

(Photo LOF – Fleurs de chayotte )

Potiron - fève tonka ( Soupe de .. )

(Photo LOF - Gros jaune de Paris)

La soupe de potiron à la fève tonka est un régal rare.
Prévoir des grandes assiettes à soupe.
Il faut du Gros Jaune de Paris, le meilleur, le pas sucré, le vrai, pas le potimarron, ni même le Rouge Vif d'Étampes.
Le peler, le couper en gros morceaux dans la cocotte minute.
Ajouter un bouillon de bœuf concentré et une ½ fève tonka pour une cocotte minute de 4 ½ l.
Cuire tout doucement une vingtaine de minutes, ouvrir, retirer la fève tonka.
Mixer bien fin en ajoutant une bonne crème fraîche.
Beaucoup.
Servir dans un gros potiron de faïence Bordalo Pinheiro
Potage inoubliable ( et diurétique).

(Photo LOF - Fèves tonka)

Soupe céleri rave - lime douce de Palestine

(Photo LOF – bonheurs d’hiver, les brumes et les soupes...)

Cette crème, comme les autres crèmes d’agrume, est meilleure quand l’infusion d’agrume dans la soupe mère est faite au moment de servir, peu importe de faire la soupe mère la veille, le principal est d’infuser l’agrume et de crémer au dernier moment.
Avoir des céleris raves d’hiver, bien doux, à chair tendre.
Cuire doucement une heure (ou 15 minutes à la cocotte minute) 1.3 litre d’eau, deux cubes de bouillon de poule, un très beau céleri rave ou deux moyens, bien pelés et coupés en morceaux.
Mixer.
Mettre dans la soupe encore bien chaude 3 limes douces de Palestine moyennes entières (Indian Sweet lime, Citrus limettioïdes Tanaka var. douce de Palestine, Balady, Boussora, Chaksi...).
Laisser macérer à couvert entre 6 et 12 minutes selon leur fraîcheur et maturité, tourner la soupe toutes les deux minutes et goûter.
Il ne faut pas trop parfumer, le goût discret de la limette doit être juste perceptible, mais pas dominant, ainsi on le perçoit, mais pas assez pour l’identifier avec certitude : on ne fait pas un Earl grey.
Alors, retirer les limettes, crémer et poser à la surface de cette crème douce au parfum surnaturel deux ou trois bruns minuscules de cerfeuil frais.
A son point de perfection, cette soupe est un monument d’équilibre et de saveur.
Le jour où vous la ferez, prévoir un stylo près du calendrier (pour faire une croix)

(Photo LOF – Lime douce de Palestine)

Gently cook for an hour (15 min. in a pressure cooker) 1 large celery root, peeled and cut in large pieces,
1.3 liters of water
and 2 cubes of chicken stock.
Remove from heat.
Blend.
Add to the still warm soup 2-3 whole Indian sweet limes, cover and let sit for 6-12 minutes, stir and taste every 2 minutes.
Remove the limes as soon as you can just taste the flavour but not really identify it. You don't want to leave them too long - we're not making Earl Grey.
Now add cream ; place a few small sprigs of chervil on top of each serving.
At its point of perfection this creamed soup is a monument of balance and taste.