La cuisine du jardin

Griottes, Montmorency …

Quand les cerises acides, molles, donnent c'est tout d'un coup et en abondance.
Mieux vaut avoir un répertoire de recette disponible, à adapter selon les cultivars

- Pour la conserve : la confiture de griotte se termine, en fin de cuisson, par un petit verre de bon kirsch.
De même La Montmorency peu colorée, entière avec 1 cm de queue) à l'alcool gagne d'être coupée au kirsch.
Au sirop, on peut préférer le séchage qui limite le sucre.
Le sirop de cerise acide est spécialement bon coupé à l'eau fraîche.
La cerise confite se tente avec les rares variétés à chair ferme
La conserve de cerises acides au vinaigre, à la mode d'Europe Centrale, est excellente avec le foie de veau ou avec le canard.
- En cuisine, la griotte fait le même travail que le vinaigre ou la grenade acide (vaste répertoire),
une bonne sauce à salade : mixer griottes dénoyautées, sel et huile d'olive, cette sauce avec ses petits confettis rouges est jolie sur les laitues blondes.



La poularde à la Montmorency est devenue le poulet aux cerises qui se fait aux cerises acides, bon comme un poulet au vinaigre. Cuire les morceaux de volaille, déglacer à l'Armagnac, mettre les cerises dénoyautées, faire rendre le jus, lier à la crème.



- En sucré, clafoutis, sorbets, strudels, tartes...
Autrefois on disait d'un cuisinier inexpérimenté qu'il savait faire la soupe aux cerises, cette soupe (soupe aux cerises à l'Allemande - ce pays en cultive de nombreux cultivars ) se fait de cerises aigres cuites au beurre puis à l'eau sucrée, avec zeste de citron jaune et cannelle.
Elle se fait aussi au vin blanc ou rouge
On la servait jadis avec un biscuit de Savoie, aujourd'hui chaude ou froide sur la glace à la vanille, sur le riz au lait, les yaourts et le fromage frais.
Ann l'aime bien sur des pêches blanches pelées et coupées en deux, gout merveilleux de noyau ami de la pêche, vaste monde des prunus.

Feuille de cerisier en saumure

la première...

On redécouvre chaque année l'insondable plaisir de la première cerise au printemps.

(feuilles de cerisier bigarreau Hâtif Delbard, donne ses fruits mi-mai en dessous du 38°)

Avant les cerises, il y a le plaisir des fleurs de cerisier, puis l'explosion des feuilles.
Le Japon est le pays des cerisiers Sakura
Les japonais ont eu la bonne idée de confire ces feuilles nouvelles soit en saumure soit au sirop.



La feuille est récoltée vierge de tout traitement (les pucerons apparaissent avec la première chaleur - en ce moment - cette époque entre la fleur et le fruit est aussi celle des insectes) y compris des traitements bio, il faut donc des feuilles cerisier non traité.
Laver les feuilles, les égoutter, verser sur les feuilles une saumure bouillante à 70 g de sel par litre d'eau.
Attendez un bon mois.
La feuille est facile à mâcher et a un goût de griotte au kirsch, un bon goût de cerise.
Au Japon la feuille de cerisier en saumure est utilisée pour rouler des gâteaux de pâte de haricot ou du riz.



Nous les utilisons comme condiments des légume-racines de printemps (radis râpés, carottes nouvelles) car leur texture implique la mastication, en bruschetta d'amandes/huile d'olive/sakura et aussi en fines lanières sur les œufs au plat du matin.
Le condiment est joyeux, le goût sensiblement comparable entre les diverses variétés de cerisier.
C'est un bonheur de printemps.

Cerise du Mozambique (water berry)

(Photos LOF - cette note pour enrichir la littérature francophone spécialement pauvre sur ce petit fruit)

Syzygium cordatum (Water Berry) que nous appelons ici "cerise du Mozambique" n’a pas de nom vernaculaire en français.
La FAO donne "musomba", mot qui désigne également Pterocarpus angolensis (le Mukwa).
La plante est décrite par D. Louppe, dans Ressources végétales de l'Afrique tropicale p.605
Elle accepte le climat méditerranée sans gel pour autant que le sol soit constamment humide, elle produit bien au jardin.

avant maturité

D’après plantzafrica “The fleshy fruit is slightly acid in flavour and is eaten by children, monkeys, bush-babies and birds. The berries are also used to sometimes make an alcoholic drink.” (copié/collé par wikipedia.en)
Ce fruit est une baie acceptable qui passe rapidement du stade vert à maturité, dans son état optimal (couleur quasi noire, peau brillante et souple) il a une première note qui évoque syzygium paniculatum mûre (cerise d’Australie), ou la framboise violette, la mûre sauvage.
Puis apparaît en finale une note acidulée.
Il ne faut pas croquer le noyau mou qui est acre.
La texture est fondante, la peau très fine.
Une des dernières publications concernant cette cerise du Mozambique "Phenolic content and profiles of selected wild fruits of Zimbabwe", International Journal of Food Science & Technology Vol 43, I 8, pages 1333–1337, 08/2008, affirme (outre le panégyrique habituel des flavonoïdes) que ce fruit fait "une très bonne confiture et une bonne gelée".
Ce que nous ne manquerons pas de tenter car la récolte s’avère non négligeable.

(on dit que la graine - jolie - a une durée germinative courte [un jour], mais on parvient à faire germer des graines de plus d'un mois)

Fruits de printemps

(Photo LOF - « Les cerises sont très efficaces pour lutter contre la formation du LDL (mauvais cholestérol).
Elles contiennent également de l’alcool perillyl qui peut aussi diminuer la malignité des tumeurs…
et un effet préventif sur les tumeurs du sein, du poumon, du foie et de la peau » Susanna Lyle - Encyclopédie mondiale des fruits, p 341)

Les fruits de printemps se mangent après avoir été lavés dans trois eaux bien fraiches,
sans jamais être réfrigérés,
et de préférence après avoir été cueillis de bonne heure le matin.
On les sert dans un compotier lui aussi rafraichi.
Les cuire leur fait perdre ce qu’ils ont de bon et le plaisir de les croquer, juteux et texturés qu’ils sont.

(Photo LOF « l’un des composés les plus bénéfiques des mûres est le resvératrol qui neutralise la formation des tumeurs.
La molécule possède des propriétés anti-inflammatoires » Susanna Lyle - Encyclopédie mondiale des fruits et des fruits, p 289)

Cerises à l’eau de vie - cerises à la goutte

(Photo LOF - J'adore l'eau vie, je la déguste sans abuser )

Ha, les cerises à la goutte… que de questions :
1 - Faut-il pocher les cerises tardives (cereja-ácida ou ginja) griottes (de Fougerolles, d'Etampes ou de Saint-Quentin, Anglaises ou les Montmorency, anciennement « gobet à courte queue » - toutes à peine mûres, (penser aussi à Griotella® frumi de Delbard pour les arbres de petite taille) avant de les mettre dans l’eau de vie (pas très forte, moins de 40° en sorte que eau de vie + sirop = 20° et entre 152 et 200 g de sucre par litre de solution finale) ?
Le Nouveau manuel complet du distillateur et du liquoriste de Lebeaud et Jean-Sêbastien-Eugène Julia de Fontenelle – chez Roret, 1843  indique :
« On suit, dans ce travail, 3 on 4 procédés différents…
Le 1er.. consiste à faire cuire pendant quelques instants les fruits blanchis dans du sucre cuit à la plume (petit boulé : 109°C à 116°C), (...aussitôt qu'on les jette dans l'eau bouillante, les fruits pâlissent; mais le second coup de feu leur restitue eu grande partie leur couleur naturelle; l'immersion dans l'eau froide concourt au même but. C'est pour cela, et pour leur redonner un peu de fermeté, que l'on doit employer l'eau la plus froide et la plus crue possible) comme si l'on voulait les confire, et à les conserver dans un mélange d'eau-de-vie et de sirop… une quinzaine de jours de macération.
Le 2eme procédé, plus bourgeois, consiste à les mettre en bocaux au sortir de l'arbre, et à les faire macérer soit à froid, soit à la chaleur du soleil, dans l'eau-de-vie à laquelle on a ajouté un peu de sucre.
Les fruits préparés par le 1er procédé sont plus délicats parce que, étant préalablement imprégnés de sucre jusque dans leur intérieur, ils aspirent beaucoup moins d'eau-de-vie …
ils ont aussi l'avantage d'être moins mous, et presque aussi vermeils que s'ils venaient d'être cueillis… »

(Photo LOF - Quand vous en serez au temps des cerises,
Si vous avez peur des chagrins d'amour,
Évitez les belles.
Moi qui ne crains pas les peines cruelles,
Je ne vivrai point sans souffrir un jour... )

2 - Doit-on parfumer les cerises à l’eau de vie ?
Nouveau manuel complet du distillateur et du liquoriste est un ouvrage du XIXème, à cette époque on ajoutait « un sachet contenant : Girofle 4 g. Coriandre 16 g. Anis étoilé 16 g. Cannelle 8 g. Macis. 2 g. Toutes ces substances concassées.»
Il ne faut ni piquer ni empaler les cerises.
La nouvelle maison rustique de Louis Liger Deterville, 1798 (Harvard) épice avec : « la cannelle, de la coriandre, du macis, et fort peu de poivre long ».
Science du bien vivre de Paul-Benjamin Chareau Martinon, 1844 (Lausanne) indique « On ajoute quelquefois aux cerises du jus de mûres »
Contentez-vous de quelques baies de cassis.

(Photo LOF - l'eau de vie ça me rend tout chose... )

3 - Y a-t-il un conseil vraiment utile pour réussir ses cerises à l’eau de vie ?
Oui, celui du Journal des demoiselles de 1844 (Harvard) « 10 jours après, goûte le jus pour t'assurer s'il est assez sucré et s'il a assez pris le parfum des épices que tu y as fait infuser, et retire-les »
Il faut les goûter, goûter souvent, goûter encore…

(Photo LOF - Observation rédigée par Broussais : guérison par le traitement antiphlogistique pur et simple de l'encéphalite suivie de gastrite aiguë..."l'estomac toujours irrité à la région pylorique manifestait son irritation par des rots quelquefois inodores, d'autres fois d'odeur animale ou même ulcéreuse... on supprima les atomes de guimauve, et l'on substitua 5 gouttes de suc de cerises à la goutte dans chaque verre de la boisson. Le sommeil fut plus calme et moins souvent interrompu..."... )

4 - Quelle est la façon la plus expéditive de faire des cerises à la goutte ?
Celle de Pierre Dac :
« Enlevez les queues, dénoyautez.
Prendre un litre de bonne eau-de-vie à 45° et procédez de la façon suivante : absorber une dizaine de cerises d'un seul coup, boire immédiatement la valeur d'un verre à bordeaux d'eau-de-vie et continuer ainsi jusqu'à épuisement des cerises et de l'eau-de-vie.
Cette méthode, qui laisse à la cerise toute sa saveur, évite l'emploi fastidieux des pèse-sirop et des bocaux de verre."

(Photo LOF - j'ai bien fait de me planquer... )