(Photo LOF – Cette recette est une synthèse mi coq au vin / mi-borsch mais au chou rouge et très betteravé à l’ukrainienne - ici les légumes)
Vous ne serez pas surpris en lisant mon nom, Oreste Atride-Frango, que pour moi le H5N1 n’est qu’un signe supplémentaire.
Signe que l’oubli n’a pas encore gagné les Olympiens.
Car la malédiction qui frappe aujourd’hui n’est rien d’autre qu’un coup nouveau porté aux miens par les Dieux.
J’allais écrire « je suis un poulet… » mais non, je suis un jeune coq.
J’étais.
On s’imagine toujours plus jeune qu’on est.
Vous connaissez ma vie: la récurrence du sang qui appelle le sang.
Miasma : la tache qui souille notre lignée.
Quand, recueillis sur la tombe de notre père, ma sœur et moi décidons que je dois tuer ma mère – et croyez-moi ça n’est pas une chose facile à faire, ni pour elle, ni pour moi – le cycle du sang était, pensais-je, à son paroxysme.
Moment irréel si bien rendu par la traduction d’Ariane Mnouchkine, au Théâtre du Soleil en 1990-93, des Choéphores d’Eschyle . (Photo LOF – Le chou rouge longuement mijoté n’en perd pas pour autant son côté doux amer)
Mais non.
Il y avait encore plus rouge : ma mort et ma cuisson.
Les Immortels ont voulu que mon corps coupé en moreaux soit mis à mijoter longtemps en compagnie de lard fumé, lui aussi coupé gros, sous une épaisse couche de 2 choux rouges coupés en 4, de racines pelées et de feuilles de betteraves rouges, de 2 oignons rouges, d’une tomate rouge, d’un bouquet garni, le tout totalement immergé d’une bouteille de vin rouge d’Alentejo (syrah), couleur sang ténébreuse.
[NDLR : notez bien qu’il n’y a pas de poivron rouge, en revanche, notre héros oublie de mentionner la présence d’un panais, blanc, pour corser la sauce]
Sur la table, servi dans ces plats d’argile rouge, ni la douceur du chou rouge, exact contrepoint à la finesse de ma chair restée blanche sous ma peau sombre, ni l’Aragones de Vidigueira ne sont parvenus à faire oublier complètement la dimension tragique du destin des mortels.
Alors, vous comprenez, ces histoires de grippe, je rigole. (Photo LOF – Oreste est un poulet-coq-héros qui a 4 pattes)