Autant le dire tout de suite : Ça n’est pas de la cuisine du jardin, et ce sera une douleur pour ceux de Paris, d’York, de Bayonne et de Parme.
Car le 20 octobre c’était la foire au jambon pata negra à Aracena, pèlerinage où on se doit d’aller acheter son Jamón de Jabugo pour l’hiver.
(Photo LOF - Aracena : la spatialité et la temporalité jambonisés : girouette en forme de jambon)
C’est un moment dans la vie où votre être tout entier se dit que si la transcendance existe, le jambon en est une preuve.
Aracena est à la Denominación de Origen Jamón de Huelva ce que Nuits Saint Georges est au Bourgogne, alors que Jabugo, petit village magnifique et perché en est le Chambertin.
El jamón ibérico de la Sierra de Aracena se conoce en España como el “jamón de Jabugo”.
Il faut saluer l’intelligence des Andalous qui ont eu l’idée de faire cette foire au moment précis où tombent les châtaignes, la forêt dans ces hauteurs est sublime, du vert au jaune elle dégrade toute la gamme des mordorés dans des saturations variant de presque rien dans la brume du matin au n’en jetez plus au soleil de midi.
Et là, dans ce cadre grandiose l’Andalousie de la Sierra de Aracena et du Picos d’Aroche est radicalement spacieuse : il faut prendre la route qui va de Barencos à la N433 par Sierra de las Contiendas - à vous couper le souffle, nous l’avons faite samedi avec Gilles et Maryse) dans l’herbe humide aux odeurs d’automne qui évoquent irrésistiblement le Jura ou l’Ontario.
Le sol est couvert de glands de chênes (belota).
Le porc noir en fait des festins et transforme sa graisse en un condensé puissamment aromatique congruent au point sublime de la charcuterie.
(Photo LOF - tous les porcs rêvent de finir ici, mais seuls certains élus...)
La montée à Jabugo, village où on produit le meilleur jambon au monde, est une sorte de cantique à la forêt, à l’automne et à la gourmandise humaine.
(Photo LOF - Jambon de Jabugo)
Le serrano - jamón ibérico - se mange en tranches très fines.
Il s’organise ici des compétitions du plus fin coupeur, la coupe se fait à la main.
(Photo LOF - tout dans la finesse)
On doit toujours préférer des jambons « reserva » ou « grande réserve » vieillis au minimum 3 ans.
La variété des saveurs va du banal au sidéral (comme celles des Maroilles ou des Comtés).
Les tranches (copeaux aux allures de vitraux, brefs et incertains) sont déposées sur le plat comme un voile, sans superposition excessive.
Il faut apprécier le jambon gras à la manière d’un marbre à la veine aléatoire et ludique.
(Photo LOF - Vestale en train d'écrite une ode au jambon derrière un voile immaculé de lard)
Le rituel est de les saisir du doigt et de le manger doucement (car l’heure n’est plus à l’élégance ou à la retenue) bien mastiqué de façon à lui faire rendre sa puissance longtemps.
Laisser s’épanouir une rétro-olfaction majestueuse, terrienne et affirmative.
La complexité de la palette aromatique est totalement cohérente : typiquement espagnole car ces parfums sont le symétrique des nuances d’ocres, de lie de vin et de sang de bœuf qui caractérisent la peinture (la sensibilité) ibérico-andalouse.
Reprendre la respiration d’une gorgée de Rioja
Pas de pain : des châtaignes - Castaños y jamón
Parler
Ecouter
Encore un plat de jambon
prolonger la soirée…
on ne veut pas que ces moments là aient une fin.
(Photo LOF - Vengeance des gros : gagner son poids de jambon)