La cuisine du jardin

Salade d'hiver (bonne) Mâche - céleri rave

La salade du soir est toujours nouvelle, mélange de ce que nous trouvons dans le jardin, et l'hiver a ses contraintes.
Les laitues ne sont bonnes qu'avec les jours longs, l'hiver c'est mâche, chicorées, épinards...
Hier soir rencontre heureuse : mâche + céleri rave râpé gros cru, échalote.
La sauce : moutarde de Dijon + ponzu (bien fondre la moutarde) puis huile d'olive.
Il y a plus que 2 ou 3 gouts,
le hasard a bien fait les choses, cette salade était un bonheur : gout (mâche dominant, échalote/céleri rave très bien), texture, facilité à prendre avec la fourchette, esthétique).

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Riz pilaf (ou pilaw)

Dans une vidéo sur le riz pilaf Alain Passard se demande qui n'a pas raté son riz pilaf.
Effectivement, ce riz à l'oignon cuit à étouffée dans un bouillon, plat d'hiver par excellence, est difficile à réussir, bien qu'il remonte aux origines de la cuisine dont nous avons les recettes écrites (céréale, oignon, corps gras, bouillon, condiments, voir la fiche wiki פילאף en hébreux pour les nombreuses céréales utilisables).
L'oignon, d'abord l'oignon.
J. Bottéro se demande pourquoi la fille du roi Su-Su'en fin IIIéme millénaire emporte dans son bagage pour Ansan 35 kg d'oignon ...
Il faut choisir un gros oignon de longue garde, type Mulhouse, à chair douce qui se tient bien à la cuisson, l’idéal est de l'espagnol type Rocodoro, sans gout fort. 
L'objectif est d'avoir des morceaux d'oignon d'environ 1 cm de côté (pas trop petits) car ils doivent être sensibles sous la dent, juste fondant dans le riz.
On vise une texture riz+oignon ni trop sèche ni trop mole, onctueuse : c'est l'oignon qui fait le travail, le riz c'est le liant.
La seconde fonction de l'oignon est de tenir le riz  humide à la cuisson sans le détremper, d'où la cuisson au four, à couvert.
L'oignon peut être accompagné de carotte qui font un travail comparable, c'est presque toujours le cas en Russie.

Photo illustrant la fiche wiki riz pilaf en azerbaijani

Le riz japonica ( le Carolino portugais est parfait, en Asie centrale on utilise du riz rouge 1/2 long) doit être longtemps lavé.
La recette est classique : laisser les oignons blondir dans du beurre fondu (les ouzbecks utilisent des huiles de sésame, de la graisse de mouton... la fiche wikipedia pilaf = Palov en ouzbek est une encyclopédie du riz pilaf), il faut un gros d'oignon pour 200 g de riz, c'est à dire beaucoup d'oignon.
Ensuite bien colorer riz+oignon dans votre poêle, frire le riz, cette phase de grillage du riz est importante et longue.
A l'origine (c'est toujours le cas en Azerbaïdjan) le riz était quasi torréfié sur un plaque chaude avec corps gras et oignon.
Nous utilisons pour la cuisson au four une cocote en terre déjà chaude, on y met le mélange riz-oignon chaud, 200g de bouillon chaud (Ariaké poulet+légumes par exemple), un bouquet garni (thym, laurier, zeste de citron) et du sel, couvrir d'un papier sulfurisé puis du couvercle.
Cuire au four à 190° 20 minutes, laisser reposer 1/4 d'heure toujours couvert.
En Iran le riz pilaf est souvent additionné de cardamome, de safran, de cumin, etc. (amusant que la fiche wiki riz pilaf en farci donne la prononciation japonaise de ce mot vieux persan), en Inde avec de la cannelle, du curcuma, dans les pays du Caucase d'ail, d'épine-vinette, de coing, d'abricots ou raisins secs...
mais tout cela n'est que fanfreluche, tout comme le choix du bouillon (au Kirghizistan on utilise même du thé) : ce qui compte c'est l'oignon, le riz bien lavé puis frit et l'exact degré de cuisson.
Chez les turcs et les russes grands amateurs d'oignon le riz plov est un riz de fête, la fiche wiki "плов" (bien faite) se moque des français du XVIIéme siècle qui furent incapables de reproduire la recette moyen orientale car ils détrempaient le riz en une sorte de "mironton".


Un proverbe ouzbek dit "et puisqu'il faut mourir, autant mourir dans le pilaf"

Chicorée de Catalogne (puntarelle) en salade

La puntarelle n'est pas vraiment connue des francophones, ni Bois ni Arvy-Gallouin n'en parlent. Pas de fiche wiki, faiblesse ou inexactitude des pages web.
Il s'agit d'une variété de chicorée (Cichorium intybus L. var. Catalogna) cultivée (elle se repique à l'automne) qui développe des pousses florales vigoureuses autour d'un massif conique.
Ces pousses creuses sont consommées jeunes entre 5 et 15 cm de hauteur.
C'est une des deux chicorées "asperges", l'autre étant récoltée quand les pousses sont plus longues et nettement plus amères, il existe 2 cultivars de puntarelle Molfetta et Galatina (les photos ci dessous sont des Galatina).
Les pousses apparaissent actuellement, du 20 février au 15 mars, (contrairement à ce qu'indique wiki en eng. qui les confond avec les endives) ce qui en fait une des premières verdures de l'année avec les pousses de houblon et les premières asperges.



Ces pousses croquantes, avec juste un petit gout de jeune amande, se mangent crues (= pas cuites).
La préparation consiste à découper la pousse en lanières après suppression des feuilles et effilage des rejets (vidéo),
elles ne sont quasiment pas amères - la désamérisation par trempage dans l'eau froide peu se limiter à 1/4 d'heure -.
Ce découpage est largement facilité par l'outil-découpeur de puntarelle - incroyable invention : site de vente ici - voir vidéo .



Il y a débat sur la sauce qui accompagne la salade de puntarelle.
Tout le monde est d'accord, indispensables (et pour moi suffisants) : sel et huile d'olive.
A la romaine : avec des anchois écrasés.
La discussion : ail ou pas ail, citron/vinaigre ou non.
Pour moi pas d'ail, jus de citron ou de grapefruit en toute petite quantité de temps en temps.
Reste que la pousse est fibreuse et demande une mastication complète, le marché italien évolue donc vers la puntarelle cuite - puntarelle in padella prête a réchauffer -  fastfoodisation au combien regrettable car comme toutes les chicorées la puntarelle crue - puissant dépuratif - est typiquement un aliment recommandable contre les maladies actuelles.
C'est pourquoi les études se succèdent depuis 2 ans sur la façon de cuire la puntarelle.
La cuisson sous vide en micro-onde parait être la moins destructive des qualités et du plaisir donné par cette excellente salade.

Fleur d'amandier (recettes de...)

1ère question : Y a-t-il une différence de gout entre les fleurs d'amandier blanches, les blanches à base rose et les toutes roses?
(Pour mémoire il n'y a pas de différence perceptible de gout entre les différentes amandes douces).
Contrairement à ce qu'on peut lire la couleur des fleurs n'a pas de rapport avec les fruits doux ou amers,
les amandiers doux ont des fleurs du blanc au rose. 
Il n'y a pas de code couleur chez les amandiers
Les fleurs d'amandier roses ne sont pas plus amères que les blanches, mais ici les blanches ont davantage le gout d'amande fraiche que les roses, elles sont un peu plus sucrées.



2éme question : Prunus dulcis est un Rosaceae... donc toxique?
Par prudence je ne consomme que les fleurs de l'amandier doux.
Liqueur : Au proche orient, tradition du moyen age andalou on fait de la liqueur de fleur d'amandier blanc.
Macération 3 semaines dans un alcool fort neutre qu'on dilue ensuite à 50% d'un sirop de sucre à 600g par litre.
La fleur n'est pas facile à transporter, elle a un gout frais de printemps et d'amande de juin, une très très discrète amertume et une arrière buche douce.
Les chefs les plus délicats n'osent pas toucher à cette merveille fragile.
On la pose sur l'assiette.
Christopher Kostow - The Restaurant at Meadowood Saint Helena CA. - regardez c'est magnifique



Didier Chouteau à L’Amandier de Mougins ( Parfait Glace poire, tuile sésame, gelée hibiscus) les fleurs d’amandier sont juste là par ce que c'est le printemps
et puis d'autres osent la détruire,
c'était le cas l'an dernier au concours gastronomique du festival de la fleur d'amandier de Garrovillas de Alconétar.
C'est le cas en panna cotta.
Christophe Pelé "j’ai trouvé des fleurs d’amandier sur le marché. J’ai eu l’idée de les marier avec du turbot. Leurs saveurs sont à double détente, la pointe d’amertume qui précède la rondeur et la douceur de l’amande se marie divinement avec le poisson. C’était magique»



Dommage de détruire la fleur car elle a une texture et une présence.
Une innocence.
Le mieux est de la conserver entière et de la croquer (pour ne pas perdre Hortense) juste posée sur une une pastille d'un flan à peine salé, juste pris, encore un rien tremblant.
Comme l'air encore un peu frais
Au soleil dans la joie des premiers beaux jours en écoutant les oiseaux qui sont vraiment heureux eux aussi

Les meilleures oranges du monde

Je parle des oranges de table, des navels, pas des oranges à jus.
Les spécialistes donnent un trio :
Golden Buckeye,
Ovale calabraise,
Arancio Fragola
ce sont des oranges de pleine saison : mi-février, début mars
Je suis d'accord, ces 3 là sont des très bons fruits.
L'Université Riverside a mis en place un système d'appréciation de la qualité organoleptique des agrumes, Citrus Variety Collection Fruit Quality Data
Les mesures confirment une phénoménale dispersion des résultats dans le temps, dans l'espace, dispersion qui voit le niveau de sucre ou d'acide passer du simple au double, de même pour la texture.
Nous le savons bien, d'un côté à l'autre de l'arbre ce ne sont pas les mêmes fruits... alors le fruit parfait... il faut le sélectionner en goûtant souvent.
Ce plaisir est aussi maximisé par la température du fruit, beaucoup de visiteurs découvrent le bonheur de manger une orange sur place dans l'orangeraie, car à la bonne fraicheur (entre 11 et 15° C) l'acidité du fruit n'est pas perçue comme à 20°.
Ensuite la façon de la manger, couper en 4 et mordre dans la pulpe, met en évidence et le jus et la texture.
La couleur est toute différente à la lumière du jour.
Enfin, la maturité du fruit est capitale.
Par exemple les navelinas (maturité novembre-décembre) laissées sur l'arbre et récoltée mi-février (très peu d'acidité, texture fondante) ont un goût de framboise, la Cara-cara évolue doucement et c'est fin janvier que sa texture et sa couleur juste rose sont parfaites.



En réfléchissant s'il existait un critère mesurable de nature statistique (devant quel fruit les visiteurs s'exclament le plus souvent « je n'ai jamais mangé une aussi bonne orange »)
je me suis dit que la rigueur voudrait qu'on note l'heure, le lieu, etc.
et je me suis dit aussi que ces fruits sont bel et bien … Ovale calabraise et Arancio Fragola.
J'écris cette note par ce que je comprends mal comment, jusqu'aux meilleurs du World's 50 Best Restaurants parlent de citron, d'orange, de pomélo, sans en préciser ni le nom du fruit, ni la provenance, ce qu'ils font pour le sel...
pour les agrumes, mondes immenses de saveurs et de textures à explorer, on ne sait pas.
Beaucoup de chefs travaillent des quantités de cultivars de tomates et ne connaissent pas 2 cultivars de citron ou de navel.

chicons (endives) braisés à la bergamote

On met toujours un peu de jus de citron pour braiser les chicons (endives), pour les tenir blancs et aussi pour donner une petite acidité qui balance leur rien d'amertume.
L'opération qui prend 11 minutes dans une cocotte minute, plus une dizaine de minutes couvercle ouvert pour caraméliser doucement.
Souvent en Belgique on caramélise à l'orange, l'accord orange chicorée est un bon accord d'hiver, comme orange-carotte, orange-betterave ou autres racines.


Vous serez surpris par l'intérêt de la rencontre bergamote-chicon.
On remplace le jus de citron par du jus de bergamote et le tour est joué.
Coralie Dorman disait que la bergamote ne se cuisine pas, et bien si, et elle se cuisine de plus en plus.
On râpe un peu (juste un peu) de zeste de bergamote au moment de servir les chicons.
Rencontre heureuse d'un légume et d'un fruit de saison.

Hiver 2014 succession de tempêtes