La cuisine du jardin

Laitue asperge à la muscade / Celtuce with nutmeg

(Photo LOF - Laitue asperge ou celtuce / Lactuca sativa var. asparagina)

Cette laitue romaine est une vengeance jubilatoire pour le jardinier.
Elle monte immédiatement et vivement à graine.
Et alors… on la mange.
On la récolte à environ 40 cm.
Il ne faut pas laisser monter en fleur, dès que le tige se creuse elle n’est plus bonne.
C’est la peau qui est fibreuse, pas l’intérieur de la tige qui est croquant et d’un beau vert-absinthe.
La préparation consiste à l’effeuiller puis la peler à l’économe de façon à supprimer toute la peau.

avant après

Au proche-orient elle se mange crue, en Chine habituellement elle se frit.
Elle exprime mieux son goût agréable (elle n’a aucune amertume, elle est douce) mangée chaude.
Cuisez-là à l’anglaise 8 minutes (selon la taille de vos laitues-asperges) dans l’eau peu salée bouillante et ajoutant, dans un sachet, une bonne pincée de macis.
Ensuite, l’égoutter sur un plat à asperge puis la servir avec un beurre fondu et muscadé, peu de muscade, juste pour donner un petit parfum.

(Photo LOF - en espagnol, laitue de chine = Lechuga china )

Haricots verts à la lyonnaise

(Photo LOF - haricots verts Calypso)

"Coupez des oignons en demi-anneaux;
mettez-les dans une poêle avec de l'huile;
posez cette poêle sur le feu;
lorsque votre oignon commencera à roussir, ajoutez-y vos haricots verts , [cuits à l’eau salée].. ;
saupoudrez-les de persil et ciboules hachées; assaisonnez-les de sel et de .. poivre;
faites-leur faire encore un ou deux tours de poêle;
dressez-les;
mettez un filet de vinaigre dans la poêle : faites-le chauffer; versez-le sur vos haricots, et servez-les très chaudement."

Néo-physiologie du goût, par ordre alphabétique du Comte de Courchamps (Maurice Cousen), numérisation google Université de Princeton 22 juin 2010.


(Photo LOF - dans la cuisine classique les haricots verts au beurre, au jus ou en sauce étaient la plupart du temps assaisonnés d'un peu de vinaigre ou de jus de citron, note acide qui est toujours bienvenue. Dans cette recette il faut un peu d'oignon nouveau qui donnera une note sucrée à laquelle le vinaigre fera un contre point acide ) 

Soupe froide à l’ail nouveau

(Photo LOF - Ail nouveau, magnifique grâce à toutes ces pluies de printemps)

Pour deux :
Cuire 8 minutes dans 650 g d’eau 8 belles gousses d’ail nouveau frais,
2 sachets de bouillon "coquillages" de chez Ariake/Robuchon (celui qui sent les clams)
et 1 brin de thym
Enlever le thym et les sachets, mettre trois bonnes CàS d’huile d’olive.
Mixer attentivement,
refroidir au réfrigérateur 2 heures et servir bien froid


Cette soupe froide évoque la bourride,
l’ail frais aime les parfums de mer.

(Photo LOF - grâce à l'abondance d'ail nous avons lancé des expérimentations de fermentation afin de faire notre ail noir, résultats attendus d'ici un mois)

Amelanches au vin rosé (saskatoon in rose wine)

(Photo LOF - Amélanches - saskatoon)

Désiré Bois termine l’exposé du genre pirus (« Les fruits ») en écrivant :
"nous citerons seulement pour mémoire quelques arbres ou arbrisseaux voisins de pirus, dont les fruits sont, à la rigueur, comestibles, mais recherchés surtout par les enfants… l’alisier, l’allouchier, l’amélanchier..."…
S’il existe, Désiré, un paradis où les fruitiers connaissent l’éternel printemps, ce pauvre amélanchier - Saskatoon silverberry – dans le vocabulaire des indiens du Canada, le dernier dans le monde des arbres mortels y sera dans le premiers :
Il est d’un incroyable courage, pousse dans tous les sols, sous tous les climats et donne ses fruits sucrés et juteux avec générosité – ici en zone 10 dès le mois de mai (même si les portugais les nomment fruit de juin [fruta de junho]).

(Photo LOF - Amélanches au vin rosé- saskatoons in rose wine)

Voici une bonne recette :
Récoltez vos saskatoon mûres, faites les mariner deux bonnes heures au réfrigérateur dans un bon vin rosé d’Alentejo ou du Dão avec ce qu’il faut d’acidité sympathique dans la première chaleur.
Servir froid.
Si vous avez du monde mélanger au vin rosé un peu d’agar agar préparé dans un peu de rosé chaud de façon à le faire prendre en gelée.
C’est joli et bon.
Mais entre nous, par égard aux amélanches nous n’évoquons pas la gelée de son pays natal, souvenir sans doute pénible pour elles.
(Ne pas sucrer, le sucre des amélanches suffit à ce dessert)

(Photo LOF - on produit ici de bons rosés, ce Dão Quinta de Saes est fait Afrocheiro rouge = Bastardo negro et de Touriga nacional )

Oignon nouveau au thon (cipollotti e tonno)

(Photo LOF - oignon tranché)

Cette recette est donnée par Antonio Carluccio, il faut ces merveilleux oignons nouveaux de printemps, les blancs, juste récoltés.
Couper les oignons nouveaux en tranches très fines et faire tremper 1 heure dans l’eau froide, au réfrigérateur.
Les égoutter, sécher, mélanger à la fourchette avec du thon à l’huile égoutté écrasé, huile d’olive, câpres au sel, jus de citron, sel et poivre.
Décorer de quelques feuilles de céleri-feuille hachées.

(Photo LOF - oignons nouveaux)

L’eau fait perdre l’âcreté des oignons, ils donnent à cet antipasti une texture croquante alors que le thon apporte l’onctuosité
« definitely very good »

(Photo LOF - oignon nouveau)

Tenpura / tempura de legumes / peixinhos da horta

(photo LOF - Os peixinhos da horta, les petites fritures du potager est un plat portugais de beignets de légumes [haricots verts] qui a donné naissance à la tenpura japonaise)

La pâte :
Faire au dernier moment et en petite quantité car on doit l'utiliser immédiatement.
Battre à peine 1 jaune d'œuf et 1 tasse d'eau glacée, ajouter d'un coup 1 tasse farine tamisée et mélanger légèrement avec une fourchette, il doit y avoir beaucoup des grumeaux.
Si la pâte est trop mélangée elle sera collante et prendra le gout de friture.
Maintenir la pâte très froide sur glace, tremper les légumes assez rapidement.
La cuisson :
- en friteuse huile chaude, les légumes passés à la mandolines à 4 mm.
temps de cuisson 
- 2 minutes pour les légumes peu cuits (oignons blancs, asperges vertes, courgettes, pâtissons...),
- 2 minutes 1/2 pour les aubergines, navets longs, poivrons
- 3 minutes pour le concombre, fond d'artichaut, pomme de terre nouvelle, papaye verte, chou rave, carotte, panais, haricots verts, haricots beurre.

(photo LOF - concombre Gynial de chez Vilmorin, sans traitement, sans amertume)

Les meilleurs légumes pour la tenpura mono-légume :
- asperges vertes moyennes de fin de saison coupées en deux,
- concombre sans amertume pelé, jeter le centre qui contient les pépins,
- navet long (marteau) faire des tranches fines de 2 mm

(photo LOF - asperge de fin de saison)

Bonnotte (de Noirmoutier)

(Photo LOF - pdt Bonnotte : De quel Bonnot normand vient l'idée de récolter cette pdt hâtive avant totale maturité : peau à peine formée ?)

M-P Avry écrit « la composition du tubercule de pomme de terre change selon la variété, son état de maturité, les conditions climatiques, les techniques de culture, la température et la durée de conservation » et il faut ajouter pour les facteurs de goût et de texture : la manière de les cuire.
La notion de « pomme de terre primeur» ou « nouvelle » associée à l’idée de qualité gastronomique est à l’opposé de ce qu’est le pomme de terre nouvellement sortie de terre c’est-à-dire presque sans goût, surtout en jours courts.
Devant la difficulté de conserver les pdt dès l’introduction de leur culture, on a cherché à produire une pdt hâtive « quand les provisions de l’hiver sont consommées » dit Chaptal dans son cours d’agriculture en 1789, autrement dit en juin.
En 1816 les préfets et agriculteurs sont incités à propager la "truffe d’août", pdt hâtive dont l’administration signale aussi la "qualité"
Le marché de la nouvelle hâtive s’organise. En 1818, les primeurs hâtives sont des variétés Hollande, Vitelotte et Jaune
En 1825 Louis Joseph Pirolle diffuse sans succès la méthode de culture : planter en février dans un sol protégé du gel. D’où l’idée des sols sableux du littoral atlantique, bien arrosés et non gélifs.
Les variétés de pdt hâtives vont se multiplier.

(Photo LOF - fleur de Bonnotte)

L’idée de récolter avant maturité est très longtemps refusée
C’est sous le second empire pour lutter contre la maladie de la pdt que s’impose la plantation en février de variétés à récolte précoce dont la "trois mois" avec les travaux, notamment de sélection, de M. Bossin.
Alors le marché va se développer.

(Photo LOF - Pdt nouvelle Bonnotte : moelleuse, chair fondante comme une purée et d’un jaune riche, ni farineuse ni collante, goût doux, sucré, avec une trace verdeur, long arôme d’amande sèche et d’océan.)

La qualité d’une bonne pdt hâtive reste liée au climat, c’est étonnant que Noirmoutier plante et récolte ses Bonnottes tous les ans le même jour, sans tenir compte ni du rechauffement climatique, ni de la lune, ni des pluies.
Cette année nos bonnottes sont excellentes avec nos pluies régulières d'hiver.
Pour l’obtenir en pomme de terre tapée cuire à la friteuse 14 minutes, avec la peau, les grosses bonnottes coupées en deux, les petites entières.
Egalement bien au four en croûte de sel.
Mangez les chaudes ou tièdes, avec un bonne fleur de sel d’Algarve.
Accompagnent la scarole croquante et vinaigrée, la salade de roquette sauvage jeune, les tubercules de printemps : ail nouveau en chemise, sauce à l’oignon nouveau mironton, marchand de vin.

(Photo LOF - Tout en souplesse, jamais de poivre ou de persil. Légume de premier plan : peut se servir seul au beurre salé avec un rosé jeune bien frais. Refuser la sophistication pour célébrer cette remarquable sélection de pomme de terre.)

The Flavour Thesaurus (dictionnaire des associations de saveurs)

(Photo LOF - Niki Segnit The Flavour Thesaurus, le livre est bien présenté)

Le livre de Niki Segnit The Flavour Thesaurus fait l’objet d’une forte promotion depuis fin 2010 : Amazon, André Simon Food And Drink Book Awards 2010...
Niki Segnit, irlandaise , travaille dans ce livre une idée intéressante : classer les saveurs par familles homogènes (elle en distingue 99) et les rapprocher deux à deux.
Elle teste et commente les associations de saveurs (avec de nombreuses références), elle donne ses préférences.
Le projet de classer méthodiquement les complémentarités de saveur est présenté comme les complémentarités de couleurs.

(Photo LOF - cardamome dans les citrus, 4 citrus et le tour est fait... )

(Photo LOF - de lavande ?... )

Niki commence son livre en avertissant que ce dictionnaire n’est pas un mais son dictionnaire.
C’est tout à fait vrai, les rencontres qu’elle préfère lui sont personnelles, dans une ambiance cosy son sens de la rencontre est de constituer une sorte d’accord paisible, non pas une mise en valeur de l’un par l’autre : une confluence, non une aventure (artichaut menthe, petits pois estragon, carottes arachides, etc. sont pour moi des co-destructions de saveurs).
Beaucoup d’amours immortelles sont absentes (muscade-épinards, asperge cardamome, etc. ).
Mais peu importe, l’idée est bonne, elle suscite la recherche.

(Photo LOF - et la moutarde ? )

Niki prévient que son dictionnaire n’est pas une encyclopédie : 99 saveurs réduites à 16 familles.
D'une part, le classement en famille est contestable (que vient faire la réglisse dans les anisés ?),
d’autre part certaines familles nombreuses sont réduites à rien (les agrumes, les fromages…),
enfin 99 c’est très peu (le vocabulaire actuel courant est 600), c’est jouer de l’ocarina alors que tout le monde peut jouer de l’orgue.
Il ne faut pas chercher de raffinement, la menthe est la menthe et non les menthes, la pomme est un générique de pomme etc.
Mais bon, il y a une volonté de classement, de méthode, c’est ce qui est fait avancer les choses.

(Photo LOF - coriandre en grain fruitée ? )

Enfin, le référentiel culinaire est souvent exclusivement moderne, or la cuisine du passé – avant le temps des conserves - avait un grand mérite : associer les saveurs selon les saisons.
Reste l’idée, la bonne idée : décrire des combinaisons, le mystère de ces micro-conjonctions .
L'émotion , le plaisir, la surprise,
comme en musique pour deux notes qui glissent l'une derrière l'autre,
en peinture pour un rapprochement de nuance,
comme les gens qui forment ensemble davantage que 2 fois 1.
Même si ce livre agace, c'est une bonne idée.

(Photo Jim’s Loire - Niki Segnit )