La cuisine du jardin

Soupe Patate douce bigarade verte / Green bitter orange & sweet potato soup

(Photo LOF - Patate douce serpentine / sweet potato)

Vous aimez qu’on vous en redemande ? essayez cette soupe.
Peler et couper en morceaux une patate douce pas trop grosse, la mettre à cuire dans 750 cl de bouillon de volaille léger (ou 1 cube industriel pour ¾ de litre d’eau), laisser à petit bouillon une dizaine de minutes.
Mixer fin.
Mettre dans la soupe une belle orange amère entière encore verte (ou deux petites), faire des incisions superficielles dans le zeste pour mieux libérer le piquant de l’essence comparable à celui du gingembre frais.
Couvrir, et laisser 20 minutes en retournant l’orange verte de temps en temps.
Réchauffer sans bouillir, retirer l’orange, crémer, mixer, servir.
Pas d’épices, la patate douce et l’agrume c’est l’antipode des douceurs sans caractère (patate douce carotte, coco, lentilles… )
Toute en finesse, sans fadeur, chaude ou froide, une vraie bonne soupe d’automne ensoleillé.

(Photo LOF - bigarade verte / Green bitter orange)

It is so good they will ask for more ! Try this soup.
Peel and cut into smallish pieces a sweet potatoe, cook it in 750cl / 250 oz. water with a light chicken broth (or 1 cube for 3/4 litres / 250 oz. of water).
Let it simmer for 10 minutes.
Mix thoroughly.
Take it off the stove and put a whole bitter orange (still green) in the soup.
Make a few superficial incisions in the peel before-hand to free the spicey flavour similar to fresh ginger.
Cover and let it sit for about 20 minutes turning occasionally.
Reheat without letting it boil, remove the orange, add cream, mix, serve.
Delicate, with character, cold or hot - an excellent automn soup full of sunshine.

(Photo LOF – notre malheureuse amie dans le potage / Our green friend is in the soup)

Compote de pommes

(Photo LOF - Pomme Ontario tombée encore verte – aromatique acidulée reste ferme à la cuisson)

Moelleuse ou granuleuse ?
Onctueuse et blanche ou grumeleuse dans la palette des bruns au à peine beiges ?
La version 2 est la plus intéressante, la 1 tend trop vite vers la purée liquide sans texture faite avec l’ennemi moderne des compotes et purées : le mixer.
Quelles pommes pour cette compote ?
Le mieux est de faire un mélange de pommes de fond de cageot.
Des pommes fraîches qui se défont à la cuisson ou les Reinettes selon la maturité
et aussi d’autres qui restent fermes
L’objectif est de conserver traces de pomme identifiables et blanches, qui résistent un peu à la dent mais ne croquent plus.
Associer diverses maturités, diverses variétés : la compote est une utilisation des restes, comme dit Olivier de Serre : « il n'est pas convenable de confire des pommes pour la table du seigneur, ni au sucre, ni au miel, ni au vin cuit parce que ce fruit ne se peut guère bien accommoder à aucune sorte de confiture : très bien en tartes, beignets et semblables gentillesses de cuisine, pour être mangé incontinent, est tout le déguisement qu'il souffre. »

(Photo LOF - Pomme Rambour, fondante à la cuisson)

Cuisson : Dans une poêle ou sauteuse, à feu moyen, couper des morceaux de pomme épépinée sans attendre pour qu’ils restent blancs.
Dès qu’ils attachent, verser une tasse d’eau (pas avant la cuisson), réduire le feu et cuire doucement une dizaine de minutes (pas trop).
La tradition (Ecole parfaite des officiers de bouche – ed 1713) est de cuire les morceaux de pomme dans un sirop de sucre et de jus de pomme de Reinette.
Ensuite, les écraser au presse-purée et alors seulement mettre une ou deux cuillerées de sucre brut de canne non raffiné ou de la mélasse de canne cristallisée, qui sucre peu, donne un bon goût, et colore en brun.

(Photo LOF - Presse purée pour une compote texturée)

Variante intéressante : la compote de pommes « à la portugaise» : pommes en quartiers (pelés, épépinés) cuits au four avec du sucre dans une tourtière couverte, une sorte de tatin sans pâte, compote caramélisée qu’on doit sucrer davantage.
La vanille (qui va très bien), la cannelle et aussi la fève tonka en petite quantité, ou un sac de graines d’anis sont des apports modernes qu’on ajoute dans la cuisson, un rien de Calvados, ou de l’eau de fleur d’oranger quand la cuisson est terminée sont d’autres options, l’eau de fleur d’oranger a son mérite.
La compote se mange rapidement, rafraîchie, non glacée, avec un biscuit de Savoie ultra léger, sinon la congeler.

(Photo LOF – Molasse de canne cristalisée)

Figue de Barbarie pourpre à bon fruit

(Photo LOF - figue de Barbarie pourpre d'opuntia robusta)

« Les fruits violet sont probablement les plus sucrés » écrit Susanna Lyle à propos des figues de Barbarie.
Probablement, peut-être… pour les Opuntia ficus-indica à fruit longs… dont les principaux cultivars sont Sulfarina jaune, Muscareda blanche, Sanguina rouge.
Jusqu’à présent la recherche méthodique d’un bon fruit d’opuntia (vaste genre) à fruit violet délicieux ne nous conduit ni à un fruit violet, ni à un fruit sucré mais au bon fruit rouge bordeaux d’une saveur remarquable de prune noire, peu sucré, juste acidulée, juteux, d’ un cultivar d’opuntia robusta.
Les américains l’appellent Dollar d’argent à cause de sa magnifique raquette ronde bleu-grise argentée, les espagnols Nopal tapón : nopal bouchon = rond .

(Photo LOF - cet opuntia robusta à large raquette parfaitement rondes produit une figue pourpre, excellente)

Les francophones ne lui donne pas de nom d’usage; ils ne le connaissent pas depuis longtemps : Édouard Spach est le premier à en parler en 1846 (avec des raquettes longues)..
en 1905 le fruit est signalé comestible « Opuntia robusta et var... articles circulaires de grande taille, produit au Mexique des fruits très appréciés. ... Ici ils mûrissent très bien » par la revue Lyon Horticole.
Plus récemment la «pulpe douce» est signalée et même le fruit «violet»
Les fruits - redoutablement armés - sont alignés sur le haut de la raquette.
Ils sont sphériques (diamètre 7 cm), couleur rouge sombre lie de vin, chair et jus plus foncés plus saturés, pas facile à peler, les graines (il y en a) noires et petites sont dures.
Saveur fine de prune, d’amande fraiche.

(Photo LOF - le fruit est bien armé, les glochides = aiguillons à pointe de harpon se détachent facilement ce qui les rend encore plus dangereux )

Bissap en épinard

(Photo LOF - l'oseille de Guinée ne fleuri pas si le jour est long)

Les jardiniers qui cultivent hibiscus sabdariffa (bissap, roselle, oseille de Guinée) en annuelle hors de la ceinture tropicale se désespèrent en constatant qu’elle ne produit ni fleurs ni calices pendant l’été.
En effet, cette plante ne fleuri et ne fructifie que si la durée du jour est < 12 heures d’éclairement c’est-à-dire pour le 37° parallèle à partir de l’équinoxe d'automne (Susanna Lyle dit 11 heures).
La fructification va s’accélérer maintenant.
Pour autant l’hibiscus produit un abondant feuillage au goût acide d’oseille + saveur fruitée de petites baies (type aronie) qui se fait en épinard
En Afrique c’est un accompagnement usuel des poissons, en sauce ou en légume, la sauce à l’oseille prend avec des jeunes feuilles une dimension parfumée agréable et sert les poissons gras.
La soupe à l’oseille devient superbe ce qui justifie d’en congeler pour l’hiver.
On la sert aussi avec des œufs, ou des ratatouilles...
Comme les jardins de nos climats sont pauvres en verdures pendant l’été, elle est servie à LOF en épinard, à l’italienne :
blanchie, cuite au bouillon de bœuf, égouttée et enfin saupoudrée de parmesan et de beaux morceaux de beurre qui convient mieux que l’huile d’olive ou la crème.
A la différence de l’épinard pas de muscade, en revanche mettre une dent d’ail dans le bouillon.

(Photo LOF - on utilise les feuilles le plus jeunes qu'on coupe grossièrement, ici roselle rouge)

Pastèque à l’eau de rose بطيخ أحمر ماء ورد

(Photo LOF – eau de rose)

Au Moyen Orient l’eau de rose ماء ورد s'ajoute au jus de grenade douce souvent avec du sucre ou de jus de citron.
La pastèque rouge aussi s’aromatise à l’eau de rose, en morceaux avec de la cannelle, avec du yaourt, en boisson, éventuellement avec de la fraise, en granité et dans des mélanges éminemment décoratifs ou désespérés

(Photo LOF – pastèque et invisible mais bienvenu parfum de rose /گلاب هندوانه)

Le mieux :
Quand la pastèque rouge ( les classiques Sugar Baby, Sugar Belle…) rafraîchie, coupée en grosse tranche, est servie sur son écorce en épais triangles qu’on prend avec les doigts,
c’est là qu’il est bon de faire tomber sur sa chair humide quelques gouttes d’une bonne eau de rose (très peu car elle est amère),
juste pour lui donner un grand habit d’orient,
alors vous vous allongez dans le jardin des huit paradis à Ispahan,
dans l’ombre lumineuse des rosiers
avec pour seules musiques la pastèque qui croque dans la bouche et le gargouillis d’une fontaine,
pour seule conscience l’immense ciel plein du parfum des roses.

(Photo LOF – à manger avec les doigts)

Tarte aux prunes bien croquante.

(Photo LOF - Tarte aux quetsches)

Comment éviter la pâte à tarte détrempée ?
Meilleure solution le tapioca à cuisson rapide.
Les fruits à noyau rendent beaucoup de jus, pour garder la pâte (brisée de préférence) de la tarte sèche et brisante semer du tapioca fin à cuisson 4 minutes (« Express » chez Tipiak, « Minute tapioca”, “Minit tapioca” chez Kraft) sur le fond de la tarte avant de poser les fruits.
2 CàS saupoudrées pour une tarte aux quetsches pour 4.
Doser le tapioca selon le fruit, il en faut pas mal pour les abricots, les pêches blanches, moins pour les cerises.

(Photo LOF - la pâte reste sèche et brisante, le tapioca est invisible)

Le tapioca à cuisson rapide fait un travail d’éponge, sans goût, invisible, sa texture insensible, on ne le sent pas entre le croquant de la pâte et le moelleux du fruit cuit, le tapioca en grain est moins discret.
On sucre (avec un sucre semoule de canne pas trop fin) après la cuisson, le sucre ne fond pas complètement, il contribue à rendre le tapioca invisible.
Le truc du tapioca express est bien connu : Tarzille le mélange au sucre de sa tarte aux fraises, c’est facile, non calorique, respecte davantage les fruits que les petits beurres écrasés ou la mie de pain que mettait Gaston Lenôtre.

(Photo LOF - Prunes canadienne Valor : grosse quetsche douce, bon comportement à la cuisson)

Papayette au sucre de lime

(Photo LOF - Carica quercifolia = Vasconcella quercifolia)

Manifestement Carica quercifolia St Hill (qui ne veut rien dire, ne vise pas J.St.-Hil. = Jean Henri Jaume, mais A.St.-Hil. Auguste de Saint-Hilaire spécialiste de la flore brésilienne) ou Solms-Laub. ou Hieron. ou Kuntze reclassée dans le genre incertain vasconcella [quercifolia], on ne sait en souvenir de quel Vasconcellos, - famille beaucoup plus prolifique que les papayers d’altitude -,
manifestement donc, Carica/Vasconcellea quercifolia est une papaye injustement ignorée, négligée, inconnue.

(Photo LOF - récolter au fur et à mesure de la maturité, ici des fruits sur des feuilles)

Cette belle petite papaye n’a pas de nom.
"Papaye à feuille de chêne" (Oak leaf Papaya) traduction du nom botanique classique ne veut rien dire : la feuille n'évoque pas une feuille de chêne comme le prétend Charles d' Orbigny.
C'est pourquoi les producteurs portugais francophones (nous sommes deux) l'ont appelé "papayette", copie du joli nom portugais Mamaozinho-do-mato (prononcer mamaonziniou = petite mamao de brousse), à l’égal des hispanophones avec le mozartien Papayuelo
Nom mal trouvé pour la plante, car cet arbre buissonnant (il faut le conduite avec 1 à 3 troncs de 50 cm) de foret monte à une dizaine de m. c'est à dire qu'il est beaucoup plus haut qu'une papaye
Il en faut au moins deux, un mâle et une femelle pour faire des papayettes.
L’arbre ressemble à un figuier (d’où le nom de Mamaó de monte, Fig tree of the Mount, Higuera del Monte) mais pas le fruit.

(Photo LOF – chez la papayette les fleurs mâles vivent en groupe alors que les dames sont solitaires… inflorescence mâle axillaire… regroupant de nombreuses fleurs )

(Photo LOF - fleur femelle puis fruit normalement solitaire ou en pair directement sur le bois « cauliflore » )

Le fruit est rarement cultivé dans ses pays d’origine (Brésil, Argentine, Bolivie, Perou, etc.)
Mansfeld's encyclopedia of horticultural crops de Peter Hanelt le signale "occasionnellement cultivé pour la confiture" (quand on ne sait pas quoi faire d’un fruit on dit d’en faire de la confiture)
quelques arbres existent en Floride,
on a pensé sans suite en produire en Sicile,
elle fut cultivée avec succès en Algérie.

(Photo LOF - papaye à feuille de chêne ou papayette : la feuille pas vraiment de chêne... » )

On lit un peu n’importe quoi sur la papayette, elle n’est pas plus laxative que la figue ou la prune, son goût fin et puissant mérite d’être connu.
En planter 2 (bouturer si on veut 1 mâle 1 femelle) dans son jardin suppose un climat adapté.
Cette plante d’altitude a une plage de rusticité étroite : 9a / 9b point c’est tout (C’est peut être pourquoi ce fruit n’a ni marché ni culture industrielle),
autrement dit elle accepte des petits gels brefs à –5° maxi, pas trop d’eau ni trop de sécheresse, pas de chaleur tropicale mais un ensoleillement long pour arriver à maturité mi septembre (Europe du Sud, Afrique du Nord), elle ne craint ni le vent, ni le sol acide.
La récolte des papayettes est abondante dès que l’arbre à 3 ans.

(Photo LOF - non seulement le fruit est bon mais il est joli, vert rayé blanc» )

Le fruit est une excellente petite papaye à peau fine et intactile que Susanna Lyle décrit ainsi « fruit orange de 3 à 4 cm de long, très sucré, musqué avec un parfum d’épice » …
et une saveur exacte de papaye sans relent de surmaturité.
Comme ses grandes sœurs il la faut manger mûre, mais pas trop.
Elle n’a pas une saveur de cresson, en revanche comme le cresson elle laisse une bouche épicée qui taquine le palais de façon surprenante après la première note douce et papayée.
Servez-les comme des radis, c’est à dire qu’on coupe le bout puis on les tamponne dans du sucre de lime qui est un sucre en poudre de canne demi raffiné mélangé à du zeste de lime râpé à la microplane fine.
Le plaisir est total avec une caïpirinha à l’eau ( la cachaça y est remplacée par de l’aloe vera mixé/filtré) qui vous emporte dans la douceur brésilienne, quand le soleil est bas et rouge.

(Photo LOF - nos amies avant leur voyage dans le sucre de lime )

Aubergine au Lapsang Souchong / Melanzana al Lapsang Souchong

(Photo LOF – Aubergine japonaise : petite, peau fine, sans amertume)

Cette recette est pour ceux qui aiment le goût fumé.
Elle est facile, mais pas simple, car il faut de bonnes aubergines fraiches et pas trop mûres.
Elle consiste à cuire des aubergines sans amertume coupées en cubes d’environ 1.5x1.5 cm à la vapeur d’un mélange 75 cl eau + 3 dents d’ail écrasées + 1.5 CàS de thé Lapsang Souchong.
Cuire entre 16 et 20 minutes de sorte que l’aubergine soit fondante.
Servir tiède avec un peu d’huile d’olive accompagné de gressini artisanaux ou en garniture froide d’un jambon ibérique de grande réserva, etc.



Un vin blanc minéral est possible, un rouge à boire froid, un moscatel soyeux glacé
il s’agit d’un plat original qui vous vaudra des compliments des amateurs
le gout de fumé est présent sans tuer celui de l’aubergine la recette se fait sans sel ni poivre.

(Photo LOF - On fait en Italie des risotto au Lapsang Souchong, au earl grey, excellents...)