La cuisine du jardin

Goyave de Chine

(Photo LOF - Goyave de Chine jaune)

La goyave-lemon ou goyave de Chine jaune (araça en portugais – psidium cattleyanum) est considérée à la Réunion comme une peste végétale à cause de sa dissémination par les oiseaux qui en sont friands (Fabrice le Bellec et Valérie Renard).
Il en existe des rouges et des jaunes (plus rares).
Le fruit est gros comme une reine-claude, il se consomme bien mur.
On en fait des gelées, des sorbets, ou nature sucrés et trempés de rhum vieux.
C’est un petit arbre qui ne craint rien - à LOF ils font une haie - ça devrait pousser sur un balcon parisien en le rentrant à – 5 (pas l’heure, la température)
- et toi tu les manges comment ?
- … ... exguse boi, j’ai la bouch bleine

Mangues au saké

(Photo LOF – Mangues au saké / après)

Ayez des mangues (mangifera indica) mûres, choisies d’une variété non fibreuse, il y en a une petite rouge parfaite pour cela.
Peler, lever la chair, couper en cubes et bénir de quatre ou cinq belles giclées de saké.
Laisser reposer le temps de manger.
du saké japonais, choisir du meilleur, le kaika kazeno ichirin sake, de chez Tochigi
et vous remercierez les dieux d’être venus sur ce blog.

(Photo LOF – JCP aime le gratin de Penne Rigate sauce céleri, une spécialité light qui se fait de Penne Rigate cuites 11 minutes au bouillon maigre, largement arrosée d’une crème de céleri-rave cuit dans un même bouillon maigre puis mixé, qu'enfin on gratine ensemble au fromage de Gruyère, il aime aussi les dégradés de bleus du ciel d’Alentéjo, si beaux à cette saison)

Soupe de Gros jaune de Paris au cédrat

(Photo LOF - Gros jaune de Paris)

Cette note est dédiée à Esterelle Payanay pour son joli livre «Potirons, Courges et autres cucurbitacées» chez Librio
Il y a des moments, à table, où l’attention est complètement dominée par la perfection de ce qu’on mange (ou boit).
Comme Claude Perraut on ne se pose plus la question de l'existence de la beauté universelle et intemporelle. Par exemple un potage parfait.
C’est bon positivement et arbitrairement bon .
C’est fin, délicat, subtil, raffiné, recherché, on se dit qu’il y a là une saveur rare, précieuse qui impose comme à un voile de regret que ce moment ne puisse durer toujours.
Alors on fait silence et on travaille mentalement à analyser le mieux qu’on peut jusqu’au dernier atome de saveur. En vain.
Enfin, on questionne pour s’approprier le savoir, reproduire cette jubilation, la félicité d’une rétro olfaction cinématographique.
« C’est rudement bon ton potage, tu fais ça comment ? »
Et on vous répond "c’est pas compliqué, tu fais ta soupe de potiron, du gros jaune de Paris, comme d’habitude, ¾ d’heure à feu doux avec un bouillon de veau, tu la mixes avec pas mal d’huile d’olive, et tu la recuis 3 minutes avec 3 belles feuilles de cédrat bien fraîches par litre de soupe. Retires les feuilles et sers"
Dis rien, y a des gens qui sont nés comme ça.
Tu peux rien faire, faut accepter.

(Photo LOF - Cédrat digitata)

Moutarde de Chine en épinard

(Photo LOF - Moutarde de Chine)

Moutarde de Chine - Brassica juncea - variété chirimen hakarashi
Pas bon en épinard.
Même avec un max de fromage.

Blettes à l'ail

(Photo LOF - les côtes de blettes (poirées) à l'ail, c'est autre chose)

Un questionnaire envoyé par Ester demandait quels sont les 5 plats qui ont marqué votre enfance ?
De suite aucun plat ne m’est venu à l’esprit, mais plutôt des dizaines de plaisirs.
La question « que vous ont laissé ceux qui vous ont élevé ? » a succédé à la précédente.
Par chance, fortement marqués par leurs origines bourguigno-champenoise ceux qui m’ont donné le goût de vivre m'ont transmis 5 empreintes gourmandes :
- la sacralisation (gréco-romaine) du repas,
- le bonheur des produits de la terre (le potager, le verger, la richesse des produits de la campagne),
- le formalisme de la table (l’esthétique de la nourriture, les belles tables),
- l’univers et la cuisine au vin,
- la cuisine à l’ail.
Il y a peu, dans un village perdu d’Aragon, on nous sert en entrée des cotes de blettes à l’ail.
L’ail apporte à ces êtres insipides une transcendance : une dimension immatérielle, une musique qui monte d’un grand orchestre symphonique.
Voici la recette : couper des tronçons de côtes de blettes, les cuire à couvert 30 minutes à feu doux dans de l’eau salée – au niveau des blettes - (ne pas cuire les côtes de blette à la vapeur) largement additionnée d'ail en lamelles (ne pas molir) et d’huile d’olive (il faut que l’huile couvre la surface de l’eau). Egoutter.
Servir à la température de la pièce
(avec un verre de Rioja, bon un verre ça va, quand même)

(Photo LOF – Blettes à carde, beta vulgaris)

Thon rouge - soja au poivron Jimmy Nardello

(Photo LOF - Poivron Jimmy Nardello, se mange grillé ou mariné)

Mondialisation. Libre circulation des personnes et des biens dans l’Union Européenne.
Malgré tout, on emmène avec soi ses références, ses légumes.
1887 : La famille Nardello émigre de Ruoti en Basilicate vers le Connecticut. La mère de Jimmy emporte quelques semences d’un excellent poivron de son jardin long et rouge, doux, très doux, savoureux qu’il aime grillé et arrosé d’huile d’olive.
Elle réussit – au péril de sa vie - à passer l’US Customs and Border Protection avec des graines destinées à être plantée sur le sol américain. Son père, Guiseppe, en fera profiter les jardiniers américains.
C’est ainsi que le Nouveau Monde acquiert un avantage gourmand - jalousement - préservé jusqu’à nos jours.
Le poivron Jimmy Nardello coupé très fin et macéré 2 heures dans une sauce soja communique à cette dernière une dimension ronde et à peine piquante jusqu’alors ignorée des Japonais.
Pourtant, ceux-ci ont le savoir-faire absolu de la sauce soja.
Depuis 1600 à Neda 10 générations ont abouti à la merveille de Kikkoman qui, sans les navigateurs hollandais, serait inconnue de nous.

(Photo LOF - Porto-Covo : le thon ressemble aux propriétaires d'Harley-Davidson, ils foncent droit devant en mangent tout ce qui se présente, tout en muscle, tout en puissance, sous l'océan le carnage)

La marchande de poisson de Porto Covo (qui a de beaux yeux bleu couleur d'océan) – main posée sur un rare thon rouge péché par son fils – hésite entre les muscles à l’arrière de la tête du thon (les moins fibreux) et ceux du ventre : la "ventresca di tonno" (abdomen : partie la plus grasse, moelleuse et savoureuse ) que les Japonais placent au sommet des sashimis (mieux que le Fugu) sous le joli nom d’OoToro 大とろ (ne pas confondre avec Chutoro)
Elle hésite, car elle a en face d’elle des acheteurs impitoyables.
Nous mangeons ce merveilleux thon rouge cru coupé en lanières de 1cm sur 4.
Servi avec une sauce soja parfumée de fines rondelles de poivron Jimmy Nardello.
Car c'est une rencontre accomplie.
Merci Requia et le blog appetit d'avoir pensé à l'association thon-poivron.

(Photo LOF - la macération de poivron J. Nardello dans la sauce soja Kikkoman lui donne une dimension méditerranéenne)

enfin des kakis

(Photo LOF, ceux-ci ne sont pas gros mais sucrés...)

La saison du kaki commence.
Le plaqueminier est un bel arbre – il fructifie à Paris (d’après Désiré Bois) mais préfère le climat méditerranéen - du genre « diospyros » (le nom portugais du kaki) famille des ébénacées.
« Kaki » est le nom japonais.
Il existe deux variétés de fruit : le dur et le mou.
Un conseil : ne jamais s’attarder sous un plaqueminier à fruits mous quand les fruits sont mûrs. C’est aussi dangereux que de stationner sous un nid de cigogne habité. Voiture repeinte en blanc.
Un autre conseil peindre le tronc au blanc anti-fourmis, elles adorent ces fruits.

(Photo LOF - Grenades pleines de jus)

Nous en faisons des lassis pour le petit déjeuner.
C’est aussi rapide que de presser une orange : on mixe la chair du kaki avec un yaourt nature.
On ne sucre donc pas les lassis : Le kaki est un fruit très sucré (jusqu’à 20% de son poids) et... riche en provitamine A.
Les lassis aiment à être parfumés par un fruit de passage : hier matin une pèche, ce matin un jus de grenade.
Lamar apprécie, elle dit que nos lassis ressemblent à un smoothie ( la crème glacée remplace le yaourt ) avec la texture d'un slushie ( fruits frais et glaçons mixés ).
Joli compliment non ?

(Photo LOF - Lassi au petit déjeuner, debout toute la journée)

Soupe de feijao verde

(Photo LOF - LOF quand une brume légère venue de l'Océan vient voiler le soleil du soir : automne)

Ann aime l’automne qui est la plus belle saison en Ontario, avec les érables rouges jaunes lumineux.
Ici l’automne c’est la campagne qui reverdit, les brumes imprévisibles, et le gilet de laine qu’on sort de l’armoire.
L’automne c’est la soupe chaude.
Avec la soupière qui fume quand on lève le couvercle.
Il faut sacrifier au cérémonial de la soupière, sorte de mère universelle.
En Alentejo on fait une soupe de gros haricot vert mange-tout qui est un bonheur pour autant que ces haricots soient frais, tendres et croquants.
Recette simple, à respecter scrupuleusement.
Pour un bon litre d’eau, deux bouillons de poule, une grosse courgette pelée coupée en morceaux (ou deux petites) et une belle dent d'ail coupée en lamelles (ou 3 petites).
Donner 15 minutes d’ébullition à l'ensemble.
Pendant ce temps, couper les haricots en petites tranches de 6 à 8 mm.
Bien mixer la cuisson des courgettes, ajouter les haricots et 5 ou 6 c.à. soupe d’huile d’olive.
Donner à nouveau 15 minutes d’ébullition.
Servir, attendre, vivre bien ce moment là.
En France, au nom de «la prévention et de la prise en charge de l'obésité», l’Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé demande que soient subventionnés les fruits et légumes.
Meilleure façon d’en dégoûter le monde que d’en faire des médicaments.
Pourquoi ne pas organiser des compétitions de bonnes soupes ?

(Photo LOF - A nouveau des haricots au jardin, ceux-ci sont portugais, excellents. Si en plus la France les subventionne...)

Arachides au four

(Photo LOF, l'arachide est une plante d'un joli vert, elle est bonne à récolter quand la feuille jaunit, c'est-à-dire la semaine dernière)

La culture de l’arachide est facile (sol riche et pas sec).
Il lui faut au moins 3 mois de chaleur pour produire ce légume de la famille des pois.
On récolte les cacahouètes quand leur beau feuillage d’un beau vert commence devient jaune. Trop tôt elles sont rabougries, trop tard elles se détachent du pied et restent dans le sol. C’est délicat, faut surveiller.
On éprouve une joie d’enfant à surveiller, puis à les tirer de la terre.
Après les avoir arrachées, on les pose sur le sol, 2 ou 3 jours.

(Photo LOF - Après arrachage, on laisser la plante 2 ou 3 jour sur le sol)

On vient les secouer de temps en temps, quand on les entend bouger dans la coquille, quand elles font les maracas, on peut les détacher du pied.
Encore un petit plaisir.

(Photo LOF - Eliezer secoue un pieds d'arachide arraché il y a deux jours, si on les entend, on peut les détacher du pied et terminer le séchage)

On les étend sur le sol (il ne faut pas habiter un pays ou il pleut naturellement, elles ne supportent pas ça) 1 ou 2 semaines pour terminer le séchage.
Ensuite, on les secoue pour les débarrasser des restes de terre.
Elles se conservent avec l'écorce 9 mois au frigo et indéfiniment au congel.
Le soir en octobre, la nuit vient vite .
Descendez aux cageots de cacahouètes récoltées la semaine dernière.
Un quart d’heure sur la lèchefrite du four à 150°. Pas trop chaud surtout. Remuer de temps à autres.
Eplucher les cacahouètes encore chaudes.
C’est bon avec un petit peu de sel.
Très peu, pas comme celles du commerce qui sont trop salées.
Ann ajoute du beurre et du sel.
C’est moins pratique à manger, mais c’est bon.
Manger les cacahouètes de son jardin c'est bien, son frère à Toronto ne peut pas le croire.

(Photo LOF - Les cacahouètes évoquent l'enfance, produire et manger ses cacahouètes est une suite de petits plaisirs)

Scorsonères au fond de veau

(Photo LOF - Scorsonère nom féminin, pourquoi ? Salsifi est masculin pourquoi ? vivement la transposition du droit européen aux langues des Etats membres)

Philippe aime les scorsonères. Les noirs – le géant de Russie – pas les blancs, les salsifis dont le goût est moins prononcé.
Les scorsonères ont un abord ingrat. Le manteau râpeux et collant, mode SDF.
Pelez-les bien.
Cuire 7 minutes à la vapeur (100°), où mieux dans un blanc (eau, sel, farine une c.à.soupe, citron) 10 minutes d’ébullition – bien cuit ne gâte rien. Le blanc est hélas l’ennemi de la cocotte minute, qui s’enrhume dès qu’elle le contient (soupape qui coule, bave etc.)
On a pour habitude d’en faire des gratins ou un accompagnement du bœuf.
Préférez-les sans fromage qui masque la finesse du goût, et avec la douceur du veau.
Poêler à sec les scorsonères cuites (dans une poêle antiadhésive), ajouter des escalopes de veau coupées en petits cubes et cuites 5 minutes à la poêle.
Enfin mouiller d’un fond de veau et de Martini extra dry.
On crème un peu.
C’est d’un classicisme absolu, un sommet de saveurs combinées, pour autant que vos scorsonères soient fraiches.
Une belle vie quoi.

(Photo LOF - c'est bon)