(Photo LOF - Soupe d'ail crépuscule du 8 novembre 2004)
Cette soupe est un monument. Noël 2001, quittant Paris pour venir jardiner au sud du Portugal nous passons la nuit du 25 décembre au Parador de Trujillo en Estramadura espagnole (couvent du XVIeme) peu avant Merida. Dans le cloître il y avait des oranges, dans l’assiette une soupe crème d’ail. Merveille. Offrande au solstice.
Voici une recette synthétique des soupes italiennes, espagnoles et catalane, d’une grande pureté de goût. La recette est présentée dans son état actuel suite d’apurements successifs. Le dosage dépend de la maturité de l’ail, de la puissance du laurier (ici du laurier frais du jardin cueillette du matin), de l’huile choisie qui doit être fine et pas trop tannique. Elle demande délicatesse et justesse de proportion pour que les 3 parfums (ail, laurier, huile d’olive) soient un a capela de Mozart.
Il existe une version où le laurier est remplacée par du thym frais, une par de la moutarde, une autre par de la sauge (aïgo boulido), en Alentejo c’est par du persil et du vinaigre. A LOF le laurier apollinien donne à la soupe d’ail l’ampleur qu’elle mérite. Loin de nous, il existe des adaptations aux corps gras locaux l’huile d’olive est remplacée par : la crème, la graisse d’oie (le tourin blanchi), par l’os à moelle en Wallonie... Evitez blanc d’œuf, vermicelle et autres surcharges polluantes.
(Photo LOF - Laurier, Laurus nobilis)
Dans 1 litre d’eau (pour 2 car chacun prend deux assiettes – attention cette soupe ne se réchauffe pas), cuire 15 minutes à couvert et à feu très doux : 1,33 cube (un cube et un tiers de cube) de bouillon de poule standard, 4 belles dents d’ail (3 énormes ou 5 ridicules), 3 feuilles de laurier (2 si elles sont grandes) et la mie de deux fortes tartines de pain rassis (c’est du gros pain, l’équivalent d’un bol de mie de pain).
Couper le feu, retirer le laurier, prélever ½ louche de bouillon dans un bol, et mixer la cuisson.
Dans le bol ajouter 5 ou 6 cuillerées à soupe d’huile d’olive de toute première qualité et 2 jaunes d’œufs. Emulsionner cette liaison au fouet ou à la fourchette.
La verser dans la soupe en mixant à nouveau. Observer cette mousse fragile.
Servir sans attendre dans un assiette creuse un rien démodée.
A ce moment où on pourrait croire que la transcendance existe. Evoquez en vous même la longue suite d’humains laborieux, curieux et gourmands, rieurs à l’haleine présente, qui, avec le soleil méditerranéen, ont façonné ces goûts et leur alliance depuis 5 millénaires. La permanence du sud dans votre cuillère.
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