Si la curiosité vous prend de lire les fiches « orange » de wikipedia dans toutes les langues, vous verrez combien le terme orange est imprécis et désigne des fruits différents.
La page wiki en japonais explique, à la différence de beaucoup d’autres, qu’ " orange " désigne indifféremment les fruits de C. sinensis (orange douce - sweet orange) et de C. aurantium、Bitaorenji = bigarade appelée orange dans beaucoup de langues".
La fiche italienne contient un paragraphe « Altri nomi dell'arancia » qui rappelle que certaines langues comme l’arabe ont deux mots pour orange à pulpe douce burtuqāl et orange à pulpe amère (bitterorange) Narang (mot d'origine perse) (renseignement non retranscrit dans la fiche en arabe) et qu’il existe une troisième variété "Melarancia".
La fiche chinoise donne uniquement la traduction du nom employé pour les oranges à pulpe douce (les racines Pommes de Chine, Apfelsine et Portugal puisque ce sont les Portugais qui ont diffusé l’orange douce de Chine dans le monde).
Quand les Arabes ont diffusé l’orange depuis leurs colonies d’extrême orient, ils l’ont appelé "orange, نرنجة : naranjah".
Quand les Portugais ont diffusé l’autre orange, d'origine chinoise, tout le monde a éprouvé le besoin de la différencier.
Les Arabes lui ont donné le nom de "Portugal", mais rapidement un autre nom s’est généralisé en occident : "orange".
C’est tardivement que la vielle orange, la bigarade, est devenue orange amère – qualificatif négatif que n’ont pas adopté les arabes.
Antoine Risso (début XIX° siècle) dans son Histoire naturelle des orangers emploie le mot d’ « oranger doré » à propos des bigaradiers importés en Andalousie au X° siécle.
Mais quand il classe les orangers et les nomme en latin, il distingue Citrus aurantium (oranger commun à fruits doux - au contraire de nous) et Citrus vulgaris… le bigaradier
Dans ces changements de nom, l'orange bigarade n’était ni "amère" ni "vulgaire" pour les arabes qui l’ont choisie et diffusée, car ils ne la cultivaient pas pour le fruit, mais pour les fleurs.
Ibn Al Awwam recommande de supprimer tous les fruits des orangers.
Les Arabes étaient émerveillés par le parfum.
Il écrit : « Cet arbre donne une fleur blanche quand elle se développe et d'une bonne odeur. ..
Celle-ci est d'un parfum plus suave que la fleur toute blanche.
On retire de ces fleurs une huile essentielle qu'on obtient de la même manière que celle de la giroflée et de la violette; elle est très odorante, comme celle du jasmin parmi les arbres.
Elle fortifie les articulations par la propriété qu'elle a de chasser les mauvaises odeurs.
Quelquefois on laisse sur l'arbre le fruit qui se panache par suite de diverses couleurs.
Cette opération n'est avantageuse ni pour l'oranger, ni pour aucune espèce d'arbre.
Car lorsque l'arbre est allégé de ses fruits en temps convenable, il en acquiert de la vigueur; tandis qu'en les y laissant, ils se gâtent, et c'est pour l'arbre une charge nuisible. »
L’autre orange, la comestible, n’a pas une floraison merveilleuse.
Le bigaradier, c’est une explosion de fleurs en avril, bien avant l’oranger.
Le zeste de bigarade a un bon parfum totalement différent de l'orange douce.
Le arabes du moyen âge développent une culture qui fait fonctionner tous les sens, et – sans doute à cause des restrictions de l’islam au sujet du dessin et de la représentation – ne privilégie ni goût, ni la vue comme notre époque avec la civilisation des images d'abord sensible à la couleur orange des oranges.
Chez les Portugais, il existe une tradition gustative structurée, avec notamment une crainte de l’amertume et un penchant pour le doux (« doce » doux veut également dire « sucré »).
Si les arabes étaient venus après les Portugais, on dirait aujourd’hui : il y a l'orange parfumée et l'orange de table.